DANSE | CRITIQUE

Husaïs, Express2temps

PSmaranda Olcèse-Trifan
@21 Mar 2009

Il y a bientôt vingt ans, Husaïs, le duo de Hela Fattoumi et Eric Lamoureux, produit hors des circuits classiques de résidences des compagnies de danse, obtenait le prix SACD de la première œuvre aux Rencontres chorégraphiques de Bagnolet, propulsant les jeunes chorégraphes sur le devant de la scène contemporaine.

Aujourd’hui, cette pièce garde son charme saisissant et ambigu, se situant dans un entre deux : entre une lisibilité du mouvement et une force souterraine contenue, entre le refus de toute psychologie et l’intensité de certains gestes ou regards, entre la solitude des corps et le rythme qui les mène d’une même mesure. Même si la difficulté des mouvements nous étonne moins aujourd’hui, même si leur lisibilité nous semble par moments trop évidente, le rythme et la relation, parfois à contretemps, qui s’instaure entre les danseurs nous gagnent sans réserves.

La problématique de la transmission est présente dès cette première pièce. Nous ne saurions dire si le duo, à être porté à tour de rôles par quatre danseurs (les duos se formant et se défaisant à quatre moments), a gagné en qualité d’interprétation. Il est certes vrai que cette pièce ne peut que s’enrichir par la temporalité complexe que le souci de transmission introduit en elle.
Dans ce sens, un deuxième moment de la soirée est pensé pour mettre en présence les chorégraphes par la médiation de la vidéo ; un écran est dressé sur le plateau et nous pouvons les voir dans un studio parsemé de photogrammes extraits d’une captation de Husaïs dans sa version de 1990, photogrammes qui sont imprimés sur du papier de format A4. Nous pouvons également les entendre : éclats de voix et bribes de mouvements évoqués par telle ou telle image. Une auto ironie légère prend le pas sur la pesanteur de l’évocation. La pièce est parcourue de manière quasi physique (dans l’espace délimité par la mosaïque des photogrammes) et décomposée au gré des aléas de la mémoire. Au gré, également, des images retrouvées. En même temps, sur le plateau, les danseurs commencent à poser en mosaïque les mêmes photos de la version 1990.

Express2temps consiste en une improvisation, avec les 4 danseurs, autour de ces photos et l’espace qu’elles délimitent sur le plateau. Ils reprennent des mouvements de la pièce initiale et les intègrent dans d’autres enchaînements, mais dans ce procès, la singularité de chaque geste est noyée dans le flot du mouvement — la visibilité y reste (car il s’agit toujours d’une danse très lisible), mais la nécessité intérieure liée à une subjectivité qui faisait le charme et la force de chaque mouvement se perd.

L’idée de la transmission est matérialisée par ce jeu avec des feuilles de papier. Nous sommes frustrés de voir que la pièce n’arrive pas à décoller et reste attachée à ces représentations trop lourdes de la mémoire de ce duo. La transmission reste quelque part suspendue en dehors des corps qui devraient l’incarner et cela malgré les efforts des danseurs qui déploient parfois des éclats d’énergie. Malgré la joie, également, de (re)voir enfin des séquences de la version ancienne du duo. Nous avons le sentiment d’assister à une proposition de représentation de la culture matérielle liée à une création. Mais c’est un travail de laboratoire et le chemin jusqu’à la création est encore à faire.

Interprétation : Moustapha Ziane, Philippe Rouaire, Marine Chesnais, Lénio Kaklea

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