PHOTO

Hreinn Fridfinnsson

PKlaus Speidel
@12 Jan 2008

L’artiste islandais Hreinn Fridfinnsson que la galerie Claudine Papillon représente depuis vingt ans, expose un travail qui aussi navigue constamment entre la matière et l’évanescence, entre le concret et l’abstrait. Un long dialogue entre un artiste et une galerie…

La galerie Claudine Papillon expose neuf oeuvres récentes de l’artiste islandais Hreinn Fridfinnsson. Les œuvres sont si bien inscrites dans l’espace de la galerie qu’on pourrait les croire créées pour ce lieu: partout, elles se répondent, des relations se nouent… de mains photographiées en mains dessinées, de phrases écrites en photos ou peintures. C’est comme si le lien entre une galeriste et son artiste était ici devenu tangible: Claudine Papillon accompagne Fridfinnsson depuis plus de vingt ans.

La satisfaction semble réciproque car l’artiste affirme sur le mur de la galerie: «It is great to be here not on the Isle of Wight» (Il est formidable d’être ici plutôt qu’à l’Île de Wight). C’est l’une des phrases plus ou moins communes que l’artiste aurait lues ou entendues quelque part, elles fonctionnent, sorties de leur contexte, comme une introduction à son univers.

Tout au début, à côté de l’œuvre From a Round Trip (2005), deux peintures qui reproduisent des codes barres, nous sommes accueillis par la phrase «Look as if you understand» (Aies l’air de comprendre, ou Regarde comme si tu comprenais). Cette phrase donne le ton de l’exposition: tout est baigné d’un humour léger et étrange.

Il y a là, par exemple, The Fall, une installation qui se compose d’un petit fragment métallique dont la forme évoque celle d’une chaussure. Elle est accompagnée d’un immense texte qui nous explique que le fragment, qui n’est pas plus grand qu’un petit doigt, est le reste d’un refroidissement à grande échelle. Ce serait un morceau de météorite tombé du ciel dans l’est de la Sibérie dans les années 40. Le texte nous met devant des vitres qui éclatent et nous fait entendre des chiens qui hurlent vers la forêt.

Pair (chaussure, miroir) unit une belle chaussure noire cirée et un miroir. Le reflet ajoute la chaussure manquante. C’est l’image d’une paire parfaite et imparfaite à la fois. Parfaite, parce que la seconde chaussure, exactement identique à la première, ne peut être perdue; imparfaite, parce qu’on ne peut jamais se contenter d’une seule chaussure.

Cinq étagères en verre (Sans titre), sur lesquelles l’artiste a imprimé le contour de mains dorées, semblent un hommage à la galerie, même si elles n’ont pas été conçues comme telles. Les mains dédoublent leur image sur le mur: par leur reflet et par leur ombre en dessus et en dessous de l’étagère.

Autre tour de mains (celui-ci constitué de deux photos): des reflets colorés que l’artiste semble avoir tenus entre ses paumes et qui tombent malgré leur immatérialité. Ces deux images métaphorisent un travail qui lui aussi navigue constamment entre la matière et l’évanescence, entre le concret et l’abstrait.

Autre jeu sur et avec le mur de la galerie: deux cercles en velours, chacun d’un diamètre de 100 cm (Une mouche et une mouche, 2005-2006) apparaissent d’abord comme des trous noirs. Reprenant la mode d’antan qui consistait à se coller une «mouche», un faux grain de beauté, sur le visage, l’artiste propose d’installer «des mouches de chambre», chacune adaptée à l’espace où elle se trouve.

Œuvre au statut singulier: Autobiographical Event. Fridfinnsson venait juste de sortir de l’école d’art lorsque l’éditeur islandais Helgafell lançait une série d’éditions d’art. Pour montrer la grande qualité des reproductions, on les exposa avec les originaux qu’elles reproduisaient. Afin de rendre la tâche d’identification des originaux plus difficile, les tableaux étaient couverts de plastique et accrochés en hauteur dans une salle mal éclairée. La seule personne capable de distinguer les huit œuvres originales de leurs reproductions était un jeune artiste, Hrein Fridfinnsson lui-même. Il gagna une reproduction de chaque œuvre. Maintenant, il propose cet événement à la vente. Des reproductions des reproductions que Fridfinnsson avait gagnées, jointes au récit de l’événement dans une revue finlandaise fonctionnent comme gage de cette vente.

Correspondance consiste en une juxtaposition de deux enveloppes qui forment, clairement, un papillon. Peut-être est-ce réellement le symbole d’une longue histoire d’amour entre une galerie et un artiste?

Traducciòn española : Maïté Diaz
English translation : Nicola Taylor

Hreinn Fridfinnsson :
— Ball Event, 2006. Tirage numérique. 65,5 x 40,5 cm.
— Sans Titre (étagères), n.d. Etagère verre, papier aluminium. 220 x 60 cm.
— Une mouche et une mouche, 2005-2006. Velours. Diamètre 100 cm.
— Autobiographical event, 2005-2006. Reproductions encadrées, textes.
— Pair, n.d. Chaussure, miroir.
— Four Paintings Installation, n.d. Bois, peinture. 60 x 80 cm.

AUTRES EVENEMENTS PHOTO