DESIGN | CRITIQUE

Hôtel Dunkerque

PFrançois Salmeron
@15 Juin 2015

Le Frac Nord-Pas-de-Calais exhume quelques pièces de sa collection de design, sa spécialité, et transforme son rez-de-chaussée en un hall d’hôtel mélangeant archi, arts déco, installations ou photos. On regrette pourtant que l’aménagement de l’exposition fonctionne comme un simple collage où quatre salons aménagés se juxtaposent.

Pour son exposition d’été, le Frac Nord-Pas-de-Calais exhume quelques célèbres pièces de sa riche collection de design, véritable spécialité de l’institution, et transforme son rez-de-chaussée en un hall d’hôtel mélangeant donc archi, arts déco, installations ou photos. Des fauteuils, des tabourets, des poufs et des tables basses rencontrent alors des néons, de drôles de sculptures ou des tirages noir et blanc recouvrant les quatre murs de notre hall d’accueil.

Mais à vrai dire, on s’attendait à ce que cet échantillon historique du fonds du Frac soit présenté dans un seul et même espace où divers types d’œuvres se confronteraient. Or, force est de constater que notre hall d’hôtel est plutôt divisé en quatre espaces distincts, chacun étant configuré grosso modo de la même manière: un tapis de Jan Kath délimite une petite aire d’exposition sur laquelle sont présentés des éléments de mobilier ou de design, tandis que les murs accueillent une série de photographies noir et blanc (Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau ou Marcel Mariën par exemple). On espérait ainsi rencontrer un grand espace où dialogueraient de manière ouverte art et design. On est finalement déçu de se retrouver à déambuler dans quatre espaces confinés, juxtaposés les uns aux autres, fonctionnant chacun sur le même «pattern» indiqué plus haut.

Pourtant, la cafétéria dessinée par le duo Lang/Baumann, qui nous attend à l’entrée du Frac, laissait présager un échange fécond entre art et design, avec ses banquettes et tables bariolées rappelant les installations de Krijn De Koning. De même, on partait du bon pied en apprenant que nous devrions enfiler une immense paire de pantoufles pour visiter l’exposition et ce, à cause des tapis de Jan Kath que nos chaussures de ville risqueraient à la longue d’élimer. Mais au final, on serait plutôt enclin à se prendre les pieds dans le tapis, avec ces lourdes pantoufles grises qui nous donnent une démarche lourdaude. Surtout, les motifs traditionnels des tapis de Jan Kath se télescopent avec des éléments abstraits ou des émoticônes que l’on ne trouve franchement pas du meilleur goût.

Une bande-son tournant en boucle évoque encore l’atmosphère cosy d’un hall d’hôtel, avec les doux airs du crooner Friedrich Liechtenstein se répandant dans le Frac comme une musique d’ascenseur. On est tout de même ravi d’apercevoir dès le début de l’exposition le tapis volant d’Ettore Sottsass (Tapete volante), puis de retrouver les meubles de bar d’Olivier Mourgue Djinn, qui constituaient les décors futuristes des stations spatiales du film culte de Stanley Kubrick, 2001: l’Odyssée de l’espace. De même, les Furniture Sculptures de John Armleder s’affirment comme une proposition forte, où l’artiste recycle sur le mode du ready-made un canapé usager qu’il barre de motifs inspirés du constructivisme russe.

Au rayon du mobilier, on est bien séduit par les fauteuils noirs et massifs de Tom Burr, dont les arêtes tranchées contrastent avec la rondeur des fauteuils de Joe Colombo, ou les courbes ondulées que proposent Olivier Mourgue, Verner Panton ou bien encore Marc Newson. Le disque d’aluminium très épuré d’Ann Veronica Janssens offre également un contraste intéressant avec le foutraque Chest of Drawer de Tejo Remy qu’il surplombe, et où s’amoncellent anarchiquement des piles de tiroirs simplement retenus par une lanière.

On regrette donc l’aménagement de l’exposition qui fonctionne à notre avis comme un simple collage: quatre salons se juxtaposent, et demeurent chacun dans leur coin, présentant diverses pièces du fonds du Frac. On ne doute pourtant pas que l’exposition réussisse à créer une «zone de perméabilité et de connivence entre art et design». Mais on est plus circonspect quant à sa prétention à vouloir encore développer ce concept d’interdisciplinarité en intégrant notamment de la photographie noir et blanc dans l’exposition. Est-ce une simple manière d’habiller les murs? Un simple ornement? Car si les photographies de Marcel Mariën transforment le corps féminin en un socle pour objets, et dessinent un lien pertinent entre photo, art et design, on est franchement plus sceptique lorsque l’on voit les tirages d’Henri Cartier-Bresson ou de Robert Doisneau se confronter à la collection de design du Frac.

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