ART | CRITIQUE

Hotel California

PLéa Bismuth
@07 Juil 2008

Une exposition qui sent l’été, des artistes californiens qui n’ont pas fini de faire sourire et grincer des dents en proposant des œuvres contestataires, ironiques, jouissives.

Cette exposition est novatrice à plus d’un titre : non seulement elle rassemble des artistes qui appartiennent à un même courant et à une même aire géographique — à l’exemple de Paul McCarthy et Mike Kelley qui ont réalisé de nombreux travaux en commun —, mais aussi elle donne à voir la formation d’un mouvement.

En effet, ces artistes californiens qui ont commencé à travailler à partir des années 1970-1980 dessinent un même mouvement (Deleuze distingue un «mouvement» libre et novateur d’une «école» foncièrement sclérosante parce que trop cohérente).
Ce mouvement se caractérise par un refus joyeux des règles établies par les écoles d’art et le marché. Ils défendent une gestuelle enfantine, radicale et non conformiste, s’emparant des mythes américains pour mieux les détourner.

Par exemple, en figure de proue de ce mouvement, le gigantesque Teddy Bear de Paul McCarthy : ironiquement prénommé Skinny Bear, cet ours, loin d’être le replet compagnon des enfants, est amaigri, debout sur une table, dominant le monde de son sourire idiot. Cet ours en majesté a une main humaine, signe ironique de l’humanité abrutie…

Dans le même ordre d’idée, le Big Baby de Richard Jackson est muni de jambes et de bras poupons, son corps se réduit à une énorme tête de Smiley Face jaune. Serait-ce pour rappeler l’inévitable conformisme humain, puisqu’un bébé, censé être innocent, est déjà et avant toute autre chose un objet consommant et consommé ?

Enfin, dans les œuvres photographiques de Spandau Parks, les Rainbow Girls sont effrayantes et douces à la fois. Il y a quelque chose d’organique dans ces photographies, comme si des visages de poupées aux yeux fermés étaient comme pris dans une masse gluante. Un peu plus, on penserait à des sécrétions corporelles qui englueraient ces visages de petites filles de l’arc-en-ciel.

Chez ces artistes, il y a toujours un double mouvement : une référence à une imagerie populaire (l’ours en peluche, la poupée, l’enfant, la carte à jouer, le vélo…) est toujours accompagnée de son revers (revers de la médaille fait de sexe, de mort, d’assassinat généralisé). Mais, ces œuvres offrent toujours un premier contact attrayant et souvent pop, comme pour mieux attirer le regard sur ce qui fait mal.

Paul McCarthy
— Skinny Bear, 1992. Technique mixte. Dimensions : ours: 202 x 78 x 50 cm – table: 75 x 123 x 72 cm
— Propo (Fred Flintstone), 1992. Cibachrome. 183 x 127 cm

Richard Jackson
Big Baby, 2008. Fibre de verre, métal, peinture acrylique. 140,5 x 326 x 335 cm

Martin Kersels
— Ghost, 2002. Technique mixte. 180 x 110 x 76 cm
— Podium for an Idiot Conductor, 2004. Technique mixte. 250 x 110 x 94 cm

Jim Shaw
Left Behind #3, 2005. Acrylique sur toile. 311 x 730 cm

Mike Kelley
Pansy Metal / Clovered Hoof, 1989. Sérigraphie.(série de 10 bannières). 135 x 100 cm

Allen Ruppersberg
— Alterations n°3, 2007. Technique mixte. 208 x 214 cm
— Alterations/ Knockoff (blue), 2007. Technique mixte. 190 x 200 cm

Spandau Parks
Rainbow Girls # 3, 2004. Cibachrome. 120 x 150 cm

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