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Hors série : Venise contemporaine

Une promenade à Venise pour visiter les principaux lieux de l’art de la ville, en écho à la Biennale : les Giardini, le Ca’Pesaro, le musée Peggy Guggenheim et d’autres lieux à découvrir, à travers leur histoire.

— Auteurs : sous la direction de Giandomenico Romanelli : Laurence Castany, Boris Podrecca, Philip Rylands, Roberto D’Agostino, Paolo Piva
— Éditeurs : Beaux arts magazine, Paris / Electa
— Année : 2003
— Format : 22 x 28,50 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : 66
— Langue : français
— ISBN : 2-84278-432-4
— Prix : 10 €

Avant-propos
par Giandomenico Romanelli (p. 3)

Pendant la majeure partie de son histoire récente, Venise connut un destin étrange. Vue d’une part comme le témoignage menaçant d’une mort imminente (Venise, comme l’Île de Torcello, transformée en ruines pathétiques), donc comme l’anticipation tragique d’une fin possible de la civilisation occidentale, la ville est, en revanche, souvent apparue comme une préfiguration possible d’un progrès recevable, soustrait aux spectres de l’aliénation et à la brutalité des conditionnements de l’économisme. Dans cette dialectique — le fardeau de l’Histoire opposé à celui de la modernité et du renouveau — on a consommé de colossales réserves d’énergie intellectuelle, écrit des millions de pages et produit une multitude de documents, d’appels, de condamnations, de dépréciations et de célébrations.

Après un XIXe siècle long et tourmenté, ingénieurs et urbanistes ont essayé de transformer Venise en une ville normale et les futuristes ont proposé, dans un élan provocateur et iconoclaste, d’enterrer le Grand Canal, de brûler les gondoles et d’éteindre la lune. C’est à la toute fin du XIXe siècle qu’un groupe d’intellectuels et d’administrateurs, emmené par l’auteur de théâtre Riccardo Selvatico, maire de Venise pendant près de cinq ans à partir de 1892, s’est penché plus attentivement sur le problème — indéniable et urgent — du destin de la ville et sur son besoin de se confronter à son histoire et à son avenir. L’héritage le plus important de Selvatico fut la création de la Biennale en avril 1895. Battu aux élections administratives, il dut abandonner son fauteuil de maire. Mais un fait nouveau s’était produit : on avait enfin mis au jour les besoins et les ressources les plus originales et productives de la ville. Elle pouvait — et devait — se mesurer au moderne, avec les langages du contemporain.

Une vocation de toujours redécouverte sous les oripeaux et les déguisements des déchets littéraires romantiques, tardifs et décadents. Partant de cette époque et de ce constat, ce numéro de Beaux Arts magazine parcourt le chemin difficile, mais exaltant, du combat et de la rencontre du moderne à Venise. Peu de visiteurs savent, par exemple, que les pavillons des jardins de la Biennale constituent une sorte d’anthologie de l’architecture du XXe siècle (Hoffmann, Rietveld, Aalto, Scarpa, BBPR, Stirling…). Combien se sont aperçus des aménagements et des restructurations des musées vénitiens menés par Scarpa ? Seuls quelques jeunes étudiants en architecture pleins de bonne volonté vont à la Giudecca ou à Cannaregio pour visiter les quartiers de Valle et de Gregotti et les travaux de Rossi, Aymonino, Botta, De Carlo ou Podrecca. La reconstruction de la Fenice ne doit pas occulter les autres entreprises, les projets, réalisés ou en cours, que sont les nouveaux terminaux, les nouveaux ponts, les lumineux volumes du Parc scientifique et technologique, etc. Aussi, on est saisi par, d’un côté, la quantité et la qualité du nouveau à Venise, et, de l’autre, la manière dont il réussit à préserver l’image historique de la ville, à s’intégrer dans son corps, dans sa chair (chacun voit l’intervention de Carlo Scarpa à la Querini Stampalia et le projet de Santiago Calatrava pour le nouveau pont).

Tout cela aidera à corriger une impression parfois répandue, et malheureusement justifiée : celle d’une Venise dégradée et usée par l’ignorance et l’exploitation vulgaire, uniformisée. Au contraire, ces pages démontrent que la ville regarde vers l’avenir avec un profond désir — finalement assouvi ! — de modernité.

(Texte publié avec l’aimable autorisation de Beaux arts magazine)

Les auteurs
Giandomenico Romanelli est directeur des musées de la ville de Venise ;
Laurence Castany est journaliste ;
Boris Podrecca est architecte ;
Philip Rylands est directeur de la collection Peggy Guggenheim ;
Roberto D’Agostino est adjoint à la planification stratégique de la mairie de Venise ;
Paolo Piva est architecte.