DANSE

Homage to Yves Klein

PPierre-Évariste Douaire
@18 Nov 2011

Takashi Murakami revient interroger la peinture de Vanités. Sa série sur les crânes évoquent autant ceux de Warhol que ceux de la peinture hollandaise du XVIIe siècle. Le maître japonais rend hommage à l’icarien Yves Klein, à sa recherche de la pureté colorée. «Yves le monochrome» a un disciple qui le hante et tente de faire perdurer l’esprit.

Ce n’est pas la première fois que la galerie Perrotin s’offre un air de musée. Lors de l’inauguration de son nouvel espace dans le Marais, l’exposition sur «L’Empreinte» avait l’ambition des rétrospectives thématiques. Cerise sur le gâteau, paradoxe pour une galerie, aucune des œuvres exposées n’était à vendre. Cette fois-ci une douzaine de tableaux de Takashi Murakami sont mis face à son maître à penser Yves Klein.

Ce phénomène n’est pas nouveau, on se souvient, dans la même galerie, les jeux lumineux que faisait subir l’Américain Peter Coffin à la reproduction d’un Mondrian. Il y a deux ans, on se souvient également, chez Kamel Mennour, de la confrontation entre les peintures de Buren et les sculptures de Giacometti. Tandis que le premier se lançait dans la peinture, le deuxième laissait une œuvre posthume. Ces quelques exemples montrent à la fois le besoin de légitimation des galeries privées et l’importance que tient l’Histoire de la peinture dans la création actuelle.

Tandis que les projets montent en envergure, expositions monographiques à la Fondation Cartier (Othoniel, Murakami), à Beaubourg (Sophie Calle, Othoniel), à Versailles (Veilhan, Murakami), au Grand Palais pour Monumenta (Kapoor, Buren), les galeries veulent s’émanciper et jouer d’égal à égal avec les institutions. Elles se hissent à leur niveau, tant du point de vue des moyens que des ambitions artistiques et scientifiques. Les artistes d’un autre côté ne cessent de prouver leur admiration pour les peintres qui les ont précédé. Ils se confrontent à leurs maîtres et en profitent pour se faire adouber par leurs pairs.

Cet exercice n’est pas sans risque, car la comparaison peut se révéler redoutable. Elle ne supporte pas la médiocrité ni l’à peu près. Ce phénomène est plus large et peut se lire dans les manifestations qui proposent un dialogue entre le patrimoine et la création actuelle. Venir se confronter aux ors de Versailles, à la nef du Grand Palais n’est pas de tout repos. Mais à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.

L’enjeu de l’exercice de style ici renoue les liens qui se tissent entre la France et le Japon depuis l’Impressionnisme. C’est assez drôle qu’Yves Klein ait rapporté du Soleil Levant un art martial qui inonde sa production. Ceinture noire de judo, il a été le premier maître français à exercer dans l’hexagone. Comment ne pas dresser une correspondance directe avec son Saut dans le vide et ce qu’il a appris sur les tatamis. Après le Nouveau réalisme, c’est au tour de l’artiste nippon le plus Pop de sa génération d’écrire la page qui unit nos deux continents.

L’amusant ici repose sur deux façons d’agir qui sont diamétralement différentes. Yves Klein redonne une actualité au monochrome en utilisant le rouleau des peintres en bâtiment. Dans les acryliques de Takashi Murakami les petites mains de son atelier prennent soin de travailler sur une trame qui a été préparée au millimètre. Entre le gros œuvre et le travail de précision il y a pourtant un pont qui se dresse entre les deux écoles.

Takashi Murakami ne cesse pas de chercher et de se confronter à son statut de peintre. Il y a deux ans, il avait présenté une série d’autoportraits, cette fois-ci, ce sont des Vanités qui dialoguent avec l’Histoire de la peinture. Avec sa série de crânes, il faut prendre le temps de la considérer comme un témoignage sur le temps qui passe.

Cette exposition est l’occasion également de revisiter les fleurs souriantes qu’il réalise depuis de nombreuses années. Elles nous permettaient de parler de l’écologie actuelle, mais force est de constater qu’elles tirent leur sève de la peinture hollandaise du XVIIe siècle. Ces larges pétales aux sourires confiants appartiennent à un genre qui n’est pas prêt de s’éteindre. La nature morte a de beaux jours devant elle.

Å’uvres
— Takashi Murakami, MGST, 1962-2011, 2011. Acrylique et feuille d’or sur toile montée sur bois. 81,5 x 72 cm
— Takashi Murakami, MCBST, 1959-2011, 2011. Acrylique sur toile montée sur bois. 92 x 73 cm
— Takashi Murakami, MCRST, 1962-2011, 2011. Acrylique sur toile montée sur bois. 92 x 72 cm
— Yves Klein, Monochrome bleu sans titre (IKB 67), 1960.
— Yves Klein, Monogold sans titre (MG 8), 1960.
— Yves Klein, Monochrome rose sans titre (MP19), 1960.

AUTRES EVENEMENTS DANSE