ART | CRITIQUE

Holy Shit

PMarie-Jeanne Caprasse
@07 Nov 2012

Radical, parfois trash, Alan Suicide Vega est davantage connu pour sa musique répétitive et envoûtante au sein du groupe Suicide que pour son travail de plasticien. Pourtant, depuis le début des années 70, il n’a cessé de créer. Il présente quelques unes des ses œuvres graphiques et sculptures lumineuses.

Artiste new-yorkais aujourd’hui âgé de 74 ans, Alan Suicide Vega est une figure culte du rock électronique. C’est en 1970 qu’il forme avec Martin Rev le groupe culte Suicide, posant les bases d’un rock électronique minimaliste, mélange de tradition rock et d’électronique techno. Cette musique répétitive basée sur des claviers envoûtants mêlés aux chants, cris et halètements de Vega, dégage une ambiance oppressante, à la limite de la transe.

Parallèlement, le chanteur a toujours mené une œuvre de plasticien. Actif sur la scène new-yorkaise dès le début des années 70, il sera cofondateur d’un des premiers lieux alternatifs tenu par des artistes à New York Project of Living Artists. C’est donc un travail qui a pris racine voilà plusieurs décennies que la galerie Laurent Godin présente actuellement. Des œuvres imprégnées d’une sensibilité à fleur de peau, dramatique et parfois violente.

Ce caractère expressionniste est manifeste dans les œuvres graphiques exposées à l’entrée du lieu. Tel un recueil de traumas, la série de photographies de boxers à la figure tuméfiée sont maltraitées, raturées, déchiquetées et tachées. En face, un polyptique de petits portraits dessinés au crayon et au bic donne un aperçu de la pratique spontanée et rapide d’Alan Suicide Vega. Les tracés sont hésitants et répétés, quelquefois apparentés au geste de Giacometti. Les mines sont tristes, hagardes, avec les yeux figurés comme des billes noirs enfoncées au creux des orbites.

L’artiste a un goût prononcé pour les choses cassées, usées, sales. Dans une logique de création toujours en mouvement, il puise dans les déchets de la ville pour les transformer en les assemblant. Faites d’objets de récupération — jouets, ampoules, câbles, chaîne de vélo, bois, clous, agrafes et scotch coloré — ses sculptures lumineuses imposent leur présence comme autant de reliquaires profanes voués au culte des rebus de notre société urbaine.

Exposées dans la pénombre, selon la volonté de l’artiste, ces accumulations d’objets divers dégagent une atmosphère lourde et énigmatique. L’utilisation d’ampoules de couleur leur donne une aura colorée, un magnétisme vivant. Et la lumière s’impose tel un révélateur, mais aussi un facteur de mystère. Elle dévoile certaines parties de l’assemblage tout en maintenant d’autres dans la pénombre.

Comme des autels vaudou ou des fétiches d’Afrique centrale, ces agrégats semblent chargés d’une force occulte et appellent le respect teinté d’un brin de frayeur. Bien que détachés de la figuration, la souffrance et les références à la croix chrétienne y sont omniprésentes. Pétri de références christiques, Vega adresse une prière au monde, une plainte muette qui s’adresse à toutes les âmes brisées. Mais laissant toujours une place à un filet de lumière. Lueur de vie, d’espoir ou petite flamme du souvenir?

Å’uvres
— Alan Suicide Vega, American Suprem II, 1971-2009. Mixed media.
— Alan Suicide Vega, Untitled, Série de 86 dessins de 2005-09 et 11 dessins des années 80.
— Alan Suicide Vega, Let U$ Pray, 2009. Collages.

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