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Héroï;nes

PGéraldine Miquelot
@12 Jan 2008

Bettina Rheims enveloppe ses «Héroïnes» fragiles dans des robes démodées, pour mieux saisir leur beauté et un peu de leur intimité. Des actrices, mannequins ou danseuses se sont prêtées au jeu du portrait qui tente de traverser la surface de la peau.

La série «Héroïnes» de vingt-trois portraits de femmes célèbres est certainement l’une des plus intimistes de Bettina Rheims. Elle contourne les canons de la beauté classique et jette un regard sensible sur des figures célèbres.

Dans un décor gris et froid, un bloc de béton sert de socle à ces véritables sculptures vivantes enveloppées dans des robes vaporeuses d’une autre époque, retouchées par le créateur Jean Colonna.
Blanca Li présente un profil droit et décidé, dans une robe couleur chair transparente qui souligne la blancheur de ses seins, où l’on voit de petites veines sous sa peau. Sa chaussure d’un rouge vif rappelle qu’elle est chorégraphe.
Rona Hartner a abandonné, pour la photographe, un peu de sa verve habituelle pour se présenter de face, le regard interrogateur, une robe sophistiquée tombant sur ses fines épaules.
Pour Asia Argento, le bloc de béton devient écrin, recouvert des plis la robe rose pâle. La belle se love dedans, protégée par les couches de tissus comme par une double peau.

Bettina Rheims laisse ses modèles jouer avec le décor et les accessoires. Assise sur le socle, Laetizia Venezia se laisse tomber sur le côté, couverte en partie par un grand morceau de tulle perlé grisonnant. Un petit pansement au bout du pied, discret, rappelle la fragilité du corps.

Les tons se répondent: couleur chair, vieux roses, saumons passés, tranchent sur la froideur du décor gris-vert du ciment. Parfois, un élément de couleur ravive l’ensemble.
Le maquillage, réalisé par Maya et Betty, rougit parfois exagérément des lèvres, et assombrit les yeux. D’autres fois, plus discret, il relève la finesse de la peau.
Bettina Rheims traite la peau en s’inspirant de Lucian Freud ou Egon Schiele, et laisse apparaître des traces de sable, de petites écorchures, des rougeurs, des grains de beauté.

L’usage d’une grande chambre photographique nécessitant une longue mise au point sous un drap noir, crée une lenteur et une atmosphère particulière propice à faire émerger l’intimité des modèles.
Elle renforce l’atmosphère passéiste qu’il s’exprime dans les robes de modes révolues et au tissu vieilli.
Les robes sont défraîchies, mais la photographie rallume le feu d’une beauté qui joue sur la fragilité et de discrètes pointes de sensualité.

Bettina Rheims poursuit là ses précédentes séries où elle photographie des femmes aux marges des images privées, de la mode et de l’érotisme: Chambre close (1991), qui montrait des femmes nues dans des chambres d’hôtels à la décoration kitsch, et Pourquoi m’as-tu abandonnée? (1996) au titre évocateur…

English translation : Rose-Marie Barrientos
Traducciòn española : Santiago Borja

Bettina Rheims
— Blanca Li (étude), série «Héroïnes», février 2005. Tirage couleur. 157 x 125 cm.
— Rona Hartner (étude), série «Héroïnes», février 2005. Tirage couleur. 157 x 125 cm.
— Natasa Vojnovic (étude), série «Héroïnes», février 2005. Tirage couleur. 157 x 125 cm.
— Asia Argento (étude), série «Héroïnes», février 2005. Tirage couleur. 157 x 125 cm.
— Laetizia Venezia (étude), série «Héroïnes», février 2005. Tirage couleur. 157 x 125 cm.

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