ART | CRITIQUE

Herman de Vries

PRaphaël Brunel
@24 Oct 2008

A la fois artiste, botanniste et archéologue, Herman de Vries cherche à travailler en harmonie avec la nature, à trouver de nouvelles manières de s’y confronter et fait surgir une forme qui évoque l’histoire de la géométrie abstraite.

Herman de Vries ne hiérarchise pas. Pour lui, la nature c’est la vie, la vie c’est l’art. Donc la nature et l’art sont les éléments d’une même équation qu’il n’a de cesse de décliner. Le second ne vient pas valoriser le premier par un apport symbolique et idéologique. En cela, Herman de Vries, même s’il fait de la nature la matrice de son œuvre, n’a pas grand-chose à voir avec le Land Art et ses ambitions : témoigner de l’action de l’homme sur la nature. Influencé par la philosophie orientale, Herman de Vries cherche plutôt l’équilibre, la réconciliation et aborde le monde d’un point de vue contemplatif.

Sa démarche s’apparente à celle d’un biologiste ou d’un naturaliste, qui rassemble et classe les fleurs, feuilles, pierres et bois glanés au cours de ses promenades et voyages. Ses œuvres relèvent à la fois de la collection (type herbier) et d’un formalisme hérité des années 50-60, époque à laquelle Herman de Vries s’adonnait aux joies de l’abstraction et des séries aléatoires.

Il dispose, notamment, les herbes ou les joncs de manière géométrique dans le cadre du tableau, jouant sur les registres des courbes et des parallèles. L’espace est tantôt saturé d’éléments tantôt réduit à son expression la plus minimale. Il réalise également des rapprochements comme dans Winter 1, composition de 24 cadres contenant chacun un végétal différent. La cohérence de l’œuvre réside dès lors dans la saison à laquelle les plantes ont été collectées.

La référence à l’abstraction ne semble utilisée par Herman de Vries que comme forme de présentation d’un élément concret existant hors du monde de l’art à l’état naturel. Ainsi, vu de loin, 2301X ressemble à une composition de points alignés, mais s’avère être constituée d’excréments de lapin, jolies petites boulettes organiques en volume, qui rappellent l’alimentation herbeuse des léporidés. Il souligne ainsi la transformation d’un élément en un autre, son état transitoire et décline l’idée d’entropie chère à Smithson. En témoigne Change qui confronte un bloc de chêne neuf et vigoureux à sa version délabrée, à son devenir.

A la casquette de botaniste, Herman de Vries rajoute celle d’archéologue. Il classe les pierres qu’il ramasse par taille et par lieu de découverte et les présente dans des cadres qui rappellent les vitrines archéologiques présentant des échantillons de silex. Il poursuit sa prospection en creusant le sol à la recherche des cendres de Renata, la dernière sorcière brulée en Allemagne, et du charbon de son bucher, qu’il frotte ensuite sur le papier pour exhumer les traces de ce passé.

Herman de Vries
—  All This Here, 2008. Bois brûlé sur papier. 200 x 428 cm.
— Burned Oak, 2007. Fragment de chêne brûlé, vitrine. 50 x 78 x 47 cm.
— The Return Of Beauty, 2003. Collection d’artefacts. 73 x 242 cm.
— Winter II, 2008. Végétaux sur papier, 12 aspects d’une même espèce végétale (carex). 66.5 x 129 cm, 12 éléments de 21,5 x 31,5 cm.
—  2301X, 2000. Excréments de lapin sauvage. 143 x 103 cm.
— Winter, 2008. Végétaux sur papier, 24 végétaux différents collectés en hiver. 137 x 260 cm.
—  Renata, 2007. Charbon de bois et reste des cendres de la dernière sorcière brûlée en Allemagne, 1754. 100 x 140 cm.
— Change, 2008. 2 blocs de chêne. 55,5x15x21,8 cm et 58x17x24 cm.
—  Original Curves, 2008. Végétaux sur papier (joncs). 200 x 63 cm.
— Winter III, 2008. Végétaux sur papier, 12 aspects d’une même espèce végétale (purple-moor-grass / molinia caerulea). 66.5 x 129 cm.
— Littles Stones / Pebbles, 2006. Provenance : Eschenau & Digne, lit de l’Aune, Faillefen. 21 x 30 cm.

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