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Helmut Dorner

PMarie-Jeanne Caprasse
@12 Jan 2008

Sur une surface de plexiglas, des couches de laques se superposent et s’entremêlent. La matière s’anime, suspendue dans l’espace, traduisant le bouillonnement de la pensée et des émotions. Un univers pictural sensuel qui multiplie les points de rencontre : entre les couleurs, la surface et la profondeur, la forme et le flux.

Helmut Dorner poursuit son exploration de la technique de la laque sur plexiglas. Peintre de l’abstraction, il a longtemps interrogé les codes en jouant avec les signes et les formes géométriques. Aujourd’hui, il fait exploser les couleurs et crée un univers pictural sensuel reposant sur un fragile jeu d’équilibre, entre surface et profondeur, forme et flux.

En prenant pour support une plaque de plexiglas, l’artiste joue sur les effets de transparence et d’opacité créés par la superposition des couleurs. La laque, opaque mais légèrement translucide, permet un travail sur l’épaisseur et la profondeur. Les volutes de couleur créent un mouvement qui donne vie au tableau et nous fait croire à une forme organique, à l’image d’une fractale reproduisant ses motifs à l’infini ou d’un fossile gardant enfouie dans le roc une trace de vie passée. Et la couleur devient matière vivante… un effet renforcé par la transparence du support qui donne l’illusion d’une forme flottant en apesanteur à quelques centimètres du mur.

Dans certaines peintures, comme Oct. Orange, une grande vague laiteuse vient envahir la surface du tableau. Le peintre y imprime un mouvement large et provoque les mélanges. Dans d’autres, comme Flieder im Elsass (Lilas en Alsace) ou Carneval 64, le mouvement se fait plus rapide, plus chaotique. Taches, zébrures et tourbillons de couleurs dynamisent la composition et marbrant la surface, les couleurs des couches inférieures apparaissent en transparence.

Telles des parasites en croissance, les couches de laque s’emparent peu à peu du support. L’œil se perd dans l’infinité des motifs et veut croire à l’illusion d’un mouvement infime mais perpétuel de la matière. C’est aussi l’énergie de la pensée qui est ici traduite, l’ébullition de l’esprit qui s’exprime et se libère dans l’acte artistique.

Le travail d’Helmut Dorner repose sur l’instabilité et l’indétermination. A la base, pas d’intention ni de forme prédéfinie, l’artiste laisse le champ libre à la pulsion. Il s’arrête lorsque le calme est revenu, la tension interne expulsée. Il en résulte une peinture de forme complexe, née de l’addition de gestes et d’accidents dont il serait impossible de recomposer la genèse, chaque nouvel élément venant à chaque fois modifier l’état de l’ensemble et appeler de nouveaux apports.

Expressions du chaos de la pensée, ces peintures révèlent également une sensation ou une émotion que l’artiste traduit dans le choix des titres donnés aux œuvres : Lilas en Alsace, Montagnes en décembre, Ping Pong… Il veut atteindre ici l’ordre de la sensation, quelque chose de volatile et de non défini qui s’exprime idéalement dans le conflit entre matière et transparence, solidité et liquidité.

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