ART | CRITIQUE

Harald Klingelhöller

17 Mai - 05 Juil 2003
Vernissage le 17 Mai 2003
PCaroline Lebrun
@12 Jan 2008

Harald Klingelhöller interroge la sculpture dans ses trois dimensions imaginaires : le langage, l’espace, le temps. Mise en abyme, séries, récurrence de la spirale créent une temporalité circulaire et évolutive.

L’œuvre d’Harald Klingelhöller n’est jamais close : elle réfléchit et se réfléchit sans cesse. Au rez-de-chaussée de la galerie, l’œuvre intitulée Wie Weiss Die Wände Waren Und Wie Vergessnes sich ändern Wirld (Comme les murs étaient blancs et comme l’oublié se transformera) convertit l’exposition en lieu de métamorphose.
La phrase du titre se matérialise dans la sculpture : le langage constitue le corps et le cœur vivant de l’œuvre. Les murs blancs font référence à un espace d’exposition qui appartient déjà au passé comme le révèle l’emploi de l’imparfait « étaient blancs ». L’œuvre est en devenir. L’espace vierge appartient à un temps révolu. Il est habité par une temporalité future et « se transformera ».

Harald Klingelhöller interroge la sculpture dans ses trois dimensions imaginaires : le langage, l’espace, le temps.
Ses sculptures fonctionnent comme une matérialisation du langage. Les matériaux ont la forme du titre de l’œuvre. Ce qui, formellement, se traduit par un aspect compact (Éric de Chassey). Les cinq œuvres présentées, toutes réalisées entre 2001 et 2003, ne cessent d’appeler et d’interroger le langage.

Au rez-de-chaussée, les lettres du titre se solidifient en une sculpture monumentale de forme hélicoïdale. La phrase s’enroule, enlisée dans une épaisse couche de matière. La consistance compacte du matériau choisi — époxy laminé — donne toute sa densité au langage.
Au premier étage, dans Walls, Measure and Words (Murs, Mesure et Mots) les lettres du titre structurent également l’œuvre. Elles se superposent en fines couches de papier comme des strates successives de langage.

Dans ces deux cas, la sculpture épouse les courbes de la phrase. Le langage n’est pas linéaire. L’œuvre est une relecture infinie des œuvres antérieures.

Beuys est nommément présent dans une série de trois sculptures dont deux sont présentées dans l’exposition : Jeder Mensch ein Kunstler. Comme une phrase de Beuys. Comme une des trois versions. L’œuvre est parcourue d’intertextualité. La citation de la fameuse déclaration de Joseph Beuys selon lequel « Chaque homme peut être artiste » renvoie à notre potentiel créatif. La sculpture en explore toutes les possibilités en multipliant les mises en abyme.
Les trois livres-sculptures présentés au premier étage font également référence à d’autres pièces de l’artiste. Chaque livre associe à son titre l’image d’une œuvre antérieure. L’encart réservé au titre est accompagné de lignes noires sans texte. Le livre se lit plutôt comme relecture inventive que comme commentaire descriptif. Le texte invisible déserte le livre. Il s’écrit dans l’œuvre elle-même.

« Pour Klingelhöller, le langage est bien moins un instrument qu’un espace » (Alain Cueff). La coupure entre contenant et contenu est rendue impossible. Le signifiant et le signifié sont indissociables. Ils se confondent en un même espace imaginaire. Le langage ne renvoie pas à un espace physique unique et quantifiable.
L’œuvre du rez-de-chaussée ainsi que Walls, Measure and Words se déploient autour de flèches de bronze indiquant respectivement douze et vingt-trois mètres. Dans les deux cas, la mesure est faussée. La flèche renvoie plutôt à une démesure. Elle invite le spectateur à changer d’échelle, à quitter l’espace physique pour faire entrer l’œuvre dans son propre espace mental.

Le lieu d’exposition fait place à un espace-temps imaginaire qui échappe à toute tentative de définition et de clôture. Les effets de miroir se multiplient. Par exemple, le socle des sculptures-livres reprend la découpe de l’œuvre photographiée qui se trouve elle-même répétée sur chaque page du livre.

La mise en abyme des œuvres, leur présentation en séries, le choix récurrent de la spirale entraînent la sculpture dans une temporalité à la fois circulaire et évolutive. Comme le langage, la sculpture ne cesse de se redéfinir, de se recomposer sans jamais se laisser enfermer. Elle ouvre des possibilités de devenir infinies.

Harald Klingelhöller :
— In der Zukunft ihrer Sprachen, 2001. Aluminium anodisé et livres. 105 x 110 x 99 cm.
— Walls, Measure and Words, 2002. Acier, plastique et papier. 85 x 175 x 25 cm.
— The Floor was Grey and Everybody Brings his Questions, 2002. Époxy laminé et bronze. 200 x 300 x 400 cm.
— « Jeder Mensch ein Künstler » — Comme une phrase de Beuys — Comme une des trois versions, 2002. Aluminium anodisé et livres. 105 x 130 x 123 cm.
— « Jeder Mensch ein Künstler » — Comme une phrase de Beuys — Comme une des trois versions, 2002. Aluminium anodisé et livres. 105 x 135 x 74 cm.

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