PHOTO | CRITIQUE

Happy Victims, Kyoichi Tsuzuki

PMuriel Denet
@12 Jan 2008

Grandes photographies de minuscules studios où de jeunes Japonais exhibent leurs collections de vêtements, de chaussures, et d’accessoires de mode. Par l’inadéquation manifeste entre le contenant trop petit et le contenu pléthorique, cette collection de collectionneurs met à jour une communauté extravagante de victimes.

Ce sont de grandes photographies, hautes en couleurs, et sur papier glacé. On pense à des vitrines, qui fermeraient, en les ouvrant au regard, des appartements, d’une exiguïté étouffante, et saturée. Dans une profusion débordante, savamment mise en scène, leurs occupants, des Japonais à peine trentenaires, présents, ou non, dans le cadre, y exhibent d’importantes collections de vêtements, de chaussures, d’accessoires en tout genre.

L’inadéquation manifeste entre le contenant trop petit (souvent de minuscules studios), et le contenu pléthorique, révèle un art consommé de l’empilement, de l’accrochage, du compactage, mais témoigne surtout d’une équation imparable : un faible loyer, pour engloutir la quasi-totalité des revenus dans la collection.

La photographie de Tsuzuki, éditeur et journaliste, se fait ici médium, au sens fonctionnel du terme. Interface transparente, elle met le spectateur en contact visuel avec une réalité par nature retranchée, puisqu’il s’agit d’espaces privés, où se trame une existence publique toute vouée à l’apparence, sous l’égide d’une seule et unique marque de prêt-à-porter, voire de haute couture.

Ce sont donc les coulisses de cette mise en scène, et de cette dévotion, qui sont ici dévoilées. La forme est documentaire : l’image est nette, un très grand angulaire embrasse la quasi-totalité de l’espace. Et un texte, écrit dans un style journalistique alerte, donne les quelques informations nécessaires à la compréhension du phénomène, tel que le nom de la griffe de prédilection exclusive, la situation socio-professionnelle du collectionneur (majoritairement en lien avec les industries culturelles, médiatiques ou publicitaires), les origines, et le degré, de la dépendance.

Cette collection de collectionneurs, dont la vie — matérielle et spirituelle — est totalement façonnée par elle, met à jour une communauté extravagante de victimes. Loin de se rebeller contre le processus de son aliénation, elle semble en assumer la logique comme une providentielle fatalité. Reste à savoir à quels désespoirs ses membres tentent-ils ainsi d’échapper.

Kyoichi Tsuzuki
— Isabel Marant, 2001. Photo couleur.
— Marc Jacobs Look, 2002. Photo couleur.
— Gucci, 1999. Photo couleur.
— A.P.C., 2002. Photo couleur.
— Anna Sui, 2000. Photo couleur. 180 x 228,90 cm.
— Paul & Joe, 2001. Photo couleur.
— Zucca, 2000. Photo couleur. 120 x 143 cm.
— Thierry Mugler, 2003. Photo couleur.
— Martin Margiela, 2003. Photo couleur.
— Keita Maruyama, 2000. Photo couleur.
— Vivienne Tam, 2001. Photo couleur. 120 x 149,60 cm.
— Yohji Yamamoto, 1999. Photo couleur.
— Jane Marple, 2000. Photo couleur.
— Hermès, 1999. Photo couleur.
— Gucci, 2002. Photo couleur.
— Jean-Paul Gaultier, 1999. Photo couleur.
— Mina, 2001. Photo couleur.
— Jean Colonna, 1998. Photo couleur.
— General Research, 2000. Photo couleur.
— Dries Van Notten, 2002. Photo couleur. 80 x 100,70 cm.
— Comme des garçons, 2000. Photo couleur.
— Vivienne Westwood, 1999. Photo couleur.
— Dolce & Gabbana, 2000. Photo couleur.
— Agnès B., 2001. Photo couleur.
— Jean Colonna, 1998. Photo couleur. 180 x 224,20 cm.
— Tocca, 2000. Photo couleur.
— Martin Margiela, 1999. Photo couleur.

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