ART | CRITIQUE

Happy Birthday

Vernissage le 26 Nov 2004
PFlore Poindron
@26 Nov 2004

Par delà la commémoration glamour et kitsch, l’exposition explore sans concessions la relation entre regard et intimité. Les œuvres révèlent une présence obsédante du corps, ses fantasmes et ses incertitudes, et le caractère insaisissable des identités sexuelle, ontologique et esthétique.

Pour ses dix ans, la galerie Emmanuelle et Jérôme de Noirmont a invité chacun de ses artistes à présenter une œuvre inédite ou spécialement conçue pour l’occasion.
La tonalité générale de l’exposition, bien que teintée d’accents néo-pop et de kitsch rutilant incarnés par le bibelot-éléphant de Jeff Koons, se démarque assez nettement de l’enchantement qu’elle semble vouloir susciter.
Elle révèle au fur et à mesure une vision troublante, parodique ou tourmentée, du corps à travers l’expression de désirs ambigus et la remise en cause des normes de la bienséance.

Dans les photographies l’aspect documentaire est recouvert par l’étrangeté ou la transfiguration du corps, comme en témoigne le vis-à-vis contrasté des clichés de Bettina Rheims et de Shirin Neshat.
La première poursuit ses recherches autour du nu féminin, mais renonce à la couleur dans un cadrage resserré sur deux femmes enlacées, à la manière d’un portrait. Les deux partenaires semblent être dans une relation de domination dont on perçoit mal les ressorts. L’esthétique inspirée de la mode et de la publicité — le traitement de la lumière, le caractère lisse et aseptisé de l’image, la sophistication de la composition et des poses — tout confère à cette scène d’intimité une artificialité déconcertante.
A l’opposé du caractère fabriqué, antinaturel et réaliste du cliché de Bettina Rheims, une photographie de Shirin Neshat offre la vison sublimée d’un corps de femme flottant à l’horizontale sur un fond de végétation onirique. L’artiste iranienne, dont l’œuvre traite de la dimension sociale, politique et psychologique des femmes dans les sociétés islamiques, est également sensible aux influences mystiques. De la religiosité irrigue ainsi l’allégorie de l’extase intitulée Women Without Men où s’entrecroisent érotisme et anéantissement.
Les formes sensuelles et arrondies de Dominatrix, une sculpture monumentale de David Mach, lui confèrent l’apparence d’une nymphette contemporaine parodiant les poses de la statuaire antique. Entièrement composée de dés de dominos, soit d’éléments fabriqués en série et destinés à la société de loisirs, cette figure massive de plus de deux mètres est le produit d’un assemblage fragile autant que la métaphore d’un jeu de hasard.

Couple célèbre de la photo-peinture depuis les années 1970, Pierre et Gilles mobilisent les imageries d’Epinal et le travestissement pour mettre à mal les codes du mariage et de l’hétérosexualité. Dans une icône très bollywoodienne, Emmanuelle et Jérôme de Noirmont, déguisés respectivement en homme et en femme, se prêtent à la séance de photographie qui symbolise traditionnellement la sacro-sainte union.

De façon moins ludique, certaines œuvres exhibent le sexe dans sa relation à l’autre, spectateur autant que partenaire amoureux. Le sexe contribue ainsi à interroger les limites de l’art et du regard.
L’autoportrait de style néo-expressionniste dans lequel Ann Dhong pose assise de face avec un sexe d’homme dans la main, traite du dépassement de ces limites, ainsi que du narcissisme et de la fascination. La neutralité de son visage, sa presque indifférence, contraste avec la violence d’un geste suffisamment équivoque pour suggérer une émasculation.

Artiste(s)
Jean Michel Basquiat, Ben, Francesco Clemente, George Condo, David Mac Dermott & Peter Mac, Anh Duong, Eva & Adele, Keith Haring, Jeff Koons, David Mach, Brigitte Nahon, Shirin Neshat, A. R. Penck, Pierre & Gilles, Jean Pierre Raynaud, Bernar Venet, Andy Warhol

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