ART | CRITIQUE

GuytonWalker

PSarah Ihler-Meyer
@03 Juil 2009

GuytonWalker, un nom pour deux artistes dont les tableaux travaillent à leur propre dépersonnalisation. Des techniques sérigraphiques, effaçant toute trace de subjectivité, aux pots de peintures contenant les motifs inscrits à la surface des toiles, GuytonWalker gomme tout indice d’une individualité créatrice.

Fusion de deux noms originellement séparés, ceux de Wade Guyton et de Kelley Walker, GuytonWalker affirme d’emblée sa volonté de dépersonnaliser la pratique artistique.
En 2004 les deux artistes s’associent pour une exposition à Minneapolis. Depuis lors, à côté de leurs pratiques respectives, ils ne forment plus qu’un, ou, plus justement, se confondent et s’annulent au sein d’une troisième entité artistique: additionnée l’une à l’autre, les individualités s’effacent ici plus qu’elles ne s’exacerbent. Il s’agit de l’intention explicite du binôme qui «ne souhaite pas que ses travaux soient attribués à Guyton ou à Walker, mais soient le produit d’un troisième artiste».

Dans cette perspective, GuytonWalker utilise un procédé de reproduction industrielle bien connu, la sérigraphie. Récupérée dès les années 1960 par Andy Warhol, cette technique devient avec le Pop Art un moyen pour dépersonnaliser la peinture. Opposés aux courants gestuels des années 1940 et 1950, dont le principe directeur est la personnalité de l’artiste, le Pop Art use de matériaux et de procédés industriels afin d’effacer tout indice d’une individualité créatrice. Nul hasard donc si GuytonWalker se réapproprie la sérigraphie.

Juxtaposées le long des murs de la galerie, les toiles du binôme présentent des motifs similaires —quadrillages, bananes, noix de coco, bandes et point de couleurs—, dupliqués à l’infini via la technique de la sérigraphie. L’aspect sériel de ces tableaux, conjugué à l’absence de traces de pinceaux, les place du côté de la reproduction mécanique.

Cette dépersonnalisation se poursuit jusque dans le choix des motifs et des couleurs appliqués à la surface des toiles. Là où Andy Warhol maintenait la présence d’une individualité créatrice, GuytonWalker en éradique toute présence. Des dizaines de pots de peinture, ayant vraisemblablement servis à la réalisation des toiles exposées, jonchent le sol de la galerie. Sur chacun d’entre eux figure l’un des motifs visible sur les tableaux: bananes sur fond bleu, quadrillage noir et blanc, noix de coco sur fond rouge, etc. Évincée du processus technique aussi bien que de la sélection des motifs, la personnalité créatrice est définitivement absente des toiles de GuytonWalker.

Bien avant Andy Warhol, Marcel Duchamp est sans doute le premier artiste à avoir mis en acte la défection du rôle de l’artiste dans le champ de la peinture, en raison de l’industrialisation des couleurs et, plus tard, des procédés d’application. Il limitait l’acte créateur au choix des objets représentés ou montrés. Ici, GuytonWalker pousse plus loin cette démarche.

GuytonWalker
— Untitled (x9), 2009. Installation. Injekt and silkscreen on canvas. Dimensions variables.

AUTRES EVENEMENTS ART