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Gustav Metzger. Auto-creative art

La destruction est au centre de l’œuvre de Gustav Metzger, mais elle ne peut exister sans son corollaire, le renouvellement créatif. Ce catalogue, publié à l’occasion de l’exposition «Supportive,1966-2011», regroupe de nombreux documents d’archives et des textes inédits, complétés de vues d’exposition et d’un entretien avec l’artiste.

Information

Présentation
Mathieu Copeland
Gustav Metzger. Auto-creative art

La pratique de Gustav Metzger est indissociable de l’Histoire, à la fois personnelle et collective. L’artiste est né dans une famille juive d’origine polonaise, exilé en Angleterre en 1939 et sauvé des camps de la mort contrairement à sa famille. Il place au cœur de son art l’horreur vécue en Europe pendant la Deuxième Guerre Mondiale et sa haute conscience de la capacité de l’homme à s’autodétruire. Entre 1959 et 1961, deux manifestes portant le même titre: Auto-Destructive Art et un troisième intitulé Auto-Destructive Art, Machine Art, Auto-Creative Art précisent les présupposés théoriques d’une production fondée sur l’abandon de la peinture et de la sculpture devenues inaptes à rendre compte de la violence morbide de nos sociétés.

En 1961, Gustav Metzger projette de l’acide sur une succession de toiles en nylon: en quelques vingt minutes, l’œuvre d’art réalisée, dans le même temps, s’autodétruit. Ce geste iconoclaste, entre happening et performance, inaugure sa carrière artistique et marque alors une rupture radicale dans sa conception de l’art. La réflexion sur la technique et les améliorations constantes de l’armement prend ainsi la forme d’un travail mémoriel sensible dans certains aspects visuels de ses actions: port du masque à gaz, produits toxiques, annihilation intentionnelle du matériau. Il s’agit de faire revivre le passé, de tenter de le confondre au présent, en luttant contre l’oubli, de traiter de la vie. C’est pourquoi l’artiste accompagne le XXe siècle dans ses événements les plus violents: gazage des tranchées, fours crématoires, bombes sur Hiroshima et Nagasaki, guerres de Corée et du Vietnam, essais nucléaires dans le Pacifique, réchauffement climatique. Le système capitaliste et la société de consommation sont pour l’artiste les origines et les garants d’une civilisation mortifère.

Si la destruction demeure l’élément central de son œuvre, celle-ci ne peut exister sans envisager les conditions de son renouvellement créatif. Dans la suite logique de son art auto-destructif, Gustav Metzger envisage dès 1961, la technique des cristaux liquides comme médium d’un art auto-créatif. Il lui faudra quelques années pour la mettre au point. Une première œuvre à base de cristaux liquides, élaborée avec le soutien d’un physicien en 1966. Des cristaux liquides placés entre deux plaques de verre insérées dans un projecteur sont mues d’un mouvement lent. Les cristaux alternativement chauffés par la lampe puis refroidis génèrent des images, de formes et de couleurs en constante évolution.

Après avoir été une figure de proue de l’underground londonien dans les années 1960-1970, Gustav Metzger appelle, à la fin des années 1980, à une grève de l’art, afin de contrer la réduction de l’œuvre à un bien consommable. Il commence alors une série intitulée: Historic Photographs, poursuivie durant toutes les années 1990, dans laquelle il utilise des clichés traitant de la violence, comme le conflit israélo-palestinien ou l’attentat d’Oklahoma City en 1995, pour confronter le spectateur à l’Histoire. Ces travaux le conduisent à intégrer, au début des années 2000, des journaux dans ses œuvres, afin que la lecture réactualise un passé menacé sans cesse par les dispositions sélectives de nos mémoires. Ses productions les plus récentes portent sur l’écologie, comme le Flailing Tree, présenté en 2009 à Manchester, une sculpture composée d’arbres plongés tête en bas dans un bloc de béton.

Gustav Metzger renoue avec les cristaux liquides en 1998, pour créer le premier environnement de cinq projections de cristaux liquides, maintenant régulé par un nouveau système informatique développé par l’artiste en collaboration avec des ingénieurs et des chercheurs. Opérant dans une dialectique entre la nature et la technologie, les environnements de cristaux liquides offrent un espace de concentration pure. Les spectateurs y prennent une part active en s’immergeant dans ce mouvement continu d’images et de couleurs silencieuses.

Avec les textes de: Gustav Metzger, Thierry Raspail, Mathieu Copeland, Franck Popper.