ART | CRITIQUE

Group show

PPierre-Évariste Douaire
@29 Sep 2010

L’agrandissement de la galerie Perrotin est l’occasion de présenter un large éventail de la production abstraite de ces dernières années. Avec des artistes phares comme Olivier Mosset et Claude Rutault, de jeunes artistes viennent dialoguer avec ces deux figures tutélaires. Ce panorama est aussi étourdissant qu’exhaustif.

«Ma petite entreprise ne connaît pas la crise». La galerie Perrotin s’agrandit: à ses deux espaces actuels, s’ajoute celui du premier étage de l’hôtel particulier qu’elle occupe depuis plusieurs années. Avec près de 2000 m2 l’endroit commence à rivaliser avec les mastodontes internationaux. Il est ainsi permis d’exposer plus d’artistes ou d’offrir l’occasion à l’un d’entre eux de présenter un One Man Show à la hauteur de ses ambitions. Le chantier vient à peine de s’achever. L’autre nouveauté consiste à permettre aux visiteurs de passer du site principal à l’impasse Saint-Claude. Le vaisseau amiral de l’art contemporain s’offre des coursives où l’on peut flâner.

Pour la rentrée, l’exposition «Group Show» montre les facettes actuelles de l’abstraction à travers des artistes de la galerie, auxquels s’ajoutent de nombreux artistes qui viennent renouveler et compléter l’écurie.

Les deux salles de l’espace Saint-Claude sont dédiées au Suisse Olivier Mosset, dont c’est le grand retour en France, et à Martin Wörhl. Olivier Mosset n’a pas changé depuis l’époque BMPT (Buren, Mosset, Parmentier, Toroni) il y a plus de quarante ans. Les quatre jeunes gens avaient dynamité le Salon de la jeune peinture par leur audace et leur coup d’éclat. Ici la même ferveur est visible dans une grammaire formelle absolue.

La série de 2010 en polyuréthane sur toile accouche de tableaux aux châssis découpés. Renouant avec l’invention des shaped canevas de Frank Stella du début des années 1960, Olivier Mosset dispose sur les murs blancs une croix violette, un cercle doré, un octogone vert, un hexagone vert foncé, une étoile bleue et un cercle en bronze. La forme se réduit à une un modèle mathématique, le titre tautologique ne fait que répéter ce que nous avons sous les yeux. Les tableaux ne sont pas austères pour autant, peut-être à cause de la peinture granuleuse.

Martin Wörhl avec ses Kompositions K, H, J, I et ses Goriole affiche des compositions géométriques cintrées. Il dispose à l’intérieur de ses cadres du bois aggloméré qu’il a préalablement découpé. Il emboîte tout un tas de chutes de bois pour réaliser une succession de hachures. La surface est aussi lisse que le formica des plans de cuisine. Ce jeu de construction fonctionne car il frappe immédiatement l’imaginaire des spectateurs qui reconnaissent les pièces du puzzle qu’il utilise. Le premier geste consiste à s’approcher du patchwork reconstitué. Si le principe est simple et la palette limitée, ce qui fait l’intérêt de l’ensemble c’est l’extrême équilibre des morceaux additionnés. L’humilité des matériaux fonctionne avec l’ingéniosité de l’assemblage.

Le reste de l’exposition offre des rencontres inattendues comme celles qui nous confrontent avec deux monochromes de Murakami de 1991. On retrouve chez Bharti Kher le même feu d’artifice qui existe chez le réalisateur japonais Takeshi Kitano. The Theory of Everything (2010) est un all over couvert de bindis. Ces pastilles en feutre forment une mosaïque ou de larges explosions de couleurs construisent des soleils éclatés.

Piotr Uklanski avait la dernière fois présenté un drapeau de son pays, la Pologne. Il revient avec les mêmes couleurs. Sa toile haute de plusieurs mètres laisse tomber une pluie rouge de taches. Les éclaboussures d’encre saturent le haut du tableau et laissent le bas gagner par le blanc.

La liste serait trop longue pour énumérer tous les tableaux et tous les styles exposés. Mais la présence d’un Olivier Mosset et ou d’un Claude Rutault, dont c’est le grand retour, marque la volonté de la galerie de renouer avec les grandes figures de l’abstraction de la seconde moitié du XXe siècle. Cette volonté et cette exigence seront visibles en janvier prochain avec la redécouverte de l’œuvre de Claude Rutault.

— Piotr Uklanski, Untitled (Menorrhagia), 2008. Encre sur toile. 300 x 300 cm
— R. H. Quaytman, Silberkuppe, Chapter 17, 2010. Sérigraphie et huile sur bois enduit de gesso. 63 x 101,6 cm
— John Armleder, Androsace Sarmentosa, 2008. Matériaux divers sur toile. 240 x 180 cm
— Bharti Kher, The Theory of Everything, 2010. Bindis sur panneau. 183 x 244 cm

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