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Group Show

PEmmanuel Posnic
@12 Jan 2008

Dans l’exposition Group Show, Frank Elbaz montre les travaux des artistes qui vont rythmer les mois à venir. Une belle occasion pour poser, dans la torpeur de juillet, les jalons d’une année riche en événements.

L’été chez Frank Elbaz ressemble quelque peu à un avant-programme de saison en montrant les travaux des artistes qui vont rythmer les mois à venir.

Certains marquent déjà l’actualité parisienne. C`est le cas de Laurent Pariente qui s’illustre au Musée Bourdelle (du 6 juillet au 26 novembre) à travers ses constructions à la craie, véritables dédales d’architectures, éphémères, improbables et pourtant si prégnantes. La lumière en est le coeur, tout comme dans ce qu’il montre ici: une grande plaque en aluminium sur laquelle s’inscrivent des entailles régulières qui suivent une destination courbe, de haut en bas ou de gauche à droite, arrondie d’un côté ou de l’autre (Sans titre, 2006).
Le résultat: une surface dynamique, brillante sous l’effet des jeux de lumières dans les incisions, sensible aux effets de profondeur et réactive à l’illusion d’une stratification progressive (Pariente varie la dimension des pointes pour creuser des sillons différents et donner ainsi l’impression d’un espace infini).

Cette plaque que Pariente a rendu totalement inervée révèle sa beauté et sa présence hypnotique au contact de la lumière. Le matériau a chez lui une réelle importance: ces supports en aluminium mais aussi en zinc, cuivre ou laiton participe au mirage de la création. A l’opposé, le travail de Rainier Lericolais s’inspire du précaire, du «low-tech». Le carton, qui figure parmi ses matériaux de prédilection, sera par exemple utilisé pour des structures de type architecturale démontrant son goût du détournement, de la farce et un certain penchant pour le désenchantement, la défaite et l’irrésolution.
Dans la galerie, il accroche un paysage de ville dessiné au trait, uniquement avec de la colle liquide. Celle-ci a été fixée au préalable sur des feuilles de journaux puis une fois sèche, séparée du papier. La fragilité, la rigueur même de l’exécution et l’aspect nostalgique qui s’empare de cette «construction» réduit la charge ironique de son geste pour trouver là, à mi-chemin entre dérision et beauté, comme dans bien d’autres de ses pièces d’ailleurs, un entre-deux impeccablement ajusté.

L’humour se marie aussi souvent avec le travail d’Olivier Babin. Il se niche chez lui dans la réinterprétation des codes artistiques inspirée par des pratiques contemporaines liées généralement à la culture pop. L’artiste contemporain n’a plus la prestance de ses aînés, il n’est plus le détenteur éclairé de cette mission héroïque et démiurgique à la recherche de la beauté, de la vérité ou de la nouveauté. Il défend une posture modeste face au monde et critique face à sa propre situation. Ce qui lui permet, comme le fait Olivier Babin, de déplacer ouvertement les lieux de l’inspiration vers des territoires plus communs. A l’image de cette expérience d’autoportrait d’un nouveau genre: «My name is Olivier»; «I am a conceptual artist»; «And my favorite food is pizza», trois entrées qu’il inscrit dans Google, le moteur de recherche sur Internet, pour retrouver dans les pages qui défile, son nom et son identité d’artiste.

Hugo Pernet balance du même côté, celui de l’humour discret et gentiment absurde. Il y ajoute le pastiche en reprenant délibérement les signes des grands noms de la peinture conceptuelle (ici, Olivier Mosset) pour composer une forme inspirée mais chez lui détournée en vulgaire caractère d’imprimerie (Pâquerette, 2006). Meredyth Sparks oscille également entre peinture et graphisme, idôlatrie et détournement.
Elle montre deux affiches de figures pop sur lesquelles elle colle des paillettes réflechissantes jusqu’à saturer l’image et en donner une lecture quasiment abstraite. Cette fascination frénétique pour les héros de la culture populaire trouve un point d’ancrage dans la peinture d’Audrey Nervi, lisse et extrêmement travaillée, qui fait la part belle aux anonymes de passage croisés lors des rencontres altermondialistes et considérés par la jeune artiste comme de véritables témoins d’une iconographie contemporaine en construction (Yitka, Tchéquie, 2005).

En marge de ces réalisations, Marcelline Delbecq revient avec une bande-son, déplaçant l’auditeur dans un univers noir, très cinématographique (lynchien pourrait-on dire), qui fait progressivement tomber en lambeaux la réalité au profit d’une intrigue parallèle, inconnue et sans repères tangibles.

De quoi glacer le sang. Et au vu de cette exposition, de quoi espérer aussi dès la rentrée une exploration prometteuse des signes pop qui cheminent dans la pensée de l’art contemporain.

Olivier Babin
— That’s What People Say, 2006. Impression jet d’encre sur papier 90 g A4. 3 éléments encadrés, 22,2 x 31 cm chaque.

Marcelline Delbecq
— L’Intrus, 2006. Impression numérique sur papier Archival mat. 50 x 80 cm. Pièce sonore pour voix, 11 mn 58 ; enregistrement et mixage : Eric Tabuchi.

Rainier Lericolais
— Sans titre, 2005. Colle et encre. 30 x 600 cm.

Audrey Nervi
— Yitka, Tchéquie, 2005. Huile sur toile. 40 x 55 cm.

Laurent Pariente
— Untitled, 2006. Plaque d’aluminum gravée, vernis. 183 x 183 cm.

Hugo Pernet
— Paquerette, 2006. Acrylique sur toile. 100 x 100 cm.
— Sans titre, 2006. Acrylique sur papier. 4 éléments encadrés : 29,7 x 21 cm chaque.

Meredyth Sparks
— Untitled (Double Elvis I), 2006. Scan numérique, feuille d’aluminium, paillettes. 43,5 x 32 cm.
— Untitled (Olivia Newton John I), 2006. Scan numérique, feuille d’aluminium, paillettes. 32 x 46 cm.
— Untitled (The Velvet Underground I), 2006. Scan numérique, feuille d’aluminium, paillettes. 45 x 32 cm.

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