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Grands Nus, Couleurs, Papiers 1979-1985

PNicolas Lancri
@12 Jan 2008

Sensiblement différentes des tableaux peints à l’huile, plus connus, une vingtaine d’œuvres inédites sur papier, à l’acrylique et à l’aquarelle, où le fusain et le pastel sont associés à la gouache. Des corps perdus dans un univers de taches, provoquant une instabilité du regard.

Une vingtaine d’œuvres inédites (débutées en 1968) sur papier à l’acrylique et à l’aquarelle sont présentées ici, où le fusain et le pastel sont associés à la gouache.

À propos des toiles d’Eugène Leroy, fameuses pour leurs épaisseurs, on a beaucoup parlé, avec Bernard Marcadé notamment, de «palimpseste», de la peinture comme «chair», ou encore de la «splendeur de la tache». La nouvelle d’Honoré de Balzac, Le Chef-d’œuvre inconnu, a également souvent été évoquée, à cause du personnage du peintre Frenhofer qui sombre dans la folie après avoir travaillé pendant de longues années sur une toile maculée de taches, d’où n’émerge qu’un pied féminin.

Malgré le titre de l’exposition, «Grands nus», voit-on vraiment des corps de femmes dans les œuvres ? Si un premier regard laisse deviner une silhouette, elle perd de son évidence et finit par s’évanouir. Car les œuvres suscitent une instabilité du regard.
Cet univers de taches permet de ne discerner qu’avec peine une quelconque représentation. Leroy dispose quelques signes de corps: un visage, un nombril, un sein, etc. La représentation n’est pas donnée, elle reste à faire, à achever, par le spectateur. Souvent debout au centre de l’œuvre, le corps est toujours composé de taches de différentes couleurs. Il se confond parfois avec le blanc du papier, esquissé au fusain.
Quelquefois des traits de peinture strient littéralement le corps, comme si c’était elle, dans sa matérialité, qui avait le dernier mot. La fragilité et incertitude de la figuration contribuent à l’affirmation de la peinture dans toute sa littéralité: une collection de taches aux couleurs et aux teintes variées; un entrelacement de taches par l’usage de la gouache fortement diluée dans l’eau. Mais des épaisseurs affleurent parfois en surface. Enfin, sur ce travail de peinture, Eugène Leroy a disposé, à l’aide de pastels, des réseaux graphiques de lignes.

Cette série de travaux sur papier diffère sensiblement des tableaux plus connus. Dans les peintures à l’huile, les corps ou les visages ne jouissent pas d’un traitement plastique différent du reste du tableau; ici au contraire, les corps sont traités presque en réserve, souvent esquissés au fusain: ce pourquoi ils partagent l’espace en différentes zones et réintroduisent une dualité entre la figure et le fond, quand bien même ils en inversent les données.
En outre, la fluidité de la gouache s’oppose à l’épaisseur des œuvres à l’huile. Mais surtout, l’espace plastique est organisé différemment sur la profondeur de deux plans; un corps de femme fait son apparition et s’affirme aussitôt pour ce qu’il est: un leurre assurant le triomphe de l’informel et de la peinture réduite à ses composantes matérielles — couleurs, gestes, transparences, giclures parfois. Impossibilité du regard de loin, la victoire de la vision rapprochée…

— Sans titre. Gouache, fusain et pastel sur papier. 107 x 75 cm.
— Nu, 1979-1985. Technique mixte sur papier. 108 x 75 cm.

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