ART | CRITIQUE

Glasscape

PMarie-Jeanne Caprasse
@12 Jan 2008

Récupération et accumulation sont les deux points de départ des œuvres de Jean Shin, opérant la transformation en œuvres d’art d’objets mis au rebus par la société. Si elle a souvent travaillé avec des vêtements, ici, ce sont des bouteilles de vin vides qu’elle accumule pour créer une expérience visuelle porteuse d’une histoire non dite.

Jean Shin, jeune artiste new-yorkaise de trente-trois ans, expose pour la première fois en France. Son inspiration et son matériau, elle les trouve dans des objets de la vie quotidienne qui ayant fait leur temps, sont voués au statut de déchet : chaussettes dépareillées, chemises et pantalons, parapluies… et cette fois-ci des bouteilles de vin vides, symbole emblématique de la France, s’il en est. Récupérées auprès des restaurants et bars à vins de Paris, les bouteilles ont été lavées et disposées les unes au dessus des autres de manière à former des murs de verre portés par les colonnes centrales de la galerie.

Dans une pure logique de «glaneuse» à la Agnès Varda, elle porte son attention sur ces objets mis en quarantaine et opère une reconstruction esthétique qui les transforme. L’artiste trouble les catégories en prenant des objets utilitaires pour des matériaux plastiques, ici les bouteilles de verres sont regardées avant tout pour leur beauté formelle, leur individualité est révélée par l’accumulation, avec des tailles, des couleurs et des formes qui diffèrent.

Il y a une dimension architecturale dans ses œuvres. Par l’accumulation et l’entremêlement de formes simples, elle compose un espace physique et psychique, paysage de verre lumineux, collines vertes miniatures évoquant les coteaux d’un vignoble.

Précisons que l’artiste a gardé l’habillage des bouteilles, étiquettes et capsules colorées autour des goulots. Celles-ci conservent leur identité, quelques chose de leur vie passée. Et leur ventre vide révèle leur inutilité, la cause de leur abandon. Le matériau retient un morceau d’histoire, la sienne, du moment de sa conception jusqu’à son abandon pour perte d’utilité, sa valeur de consommation ayant disparu.

Mais l’artiste lui attribue une nouvelle fonction, lui redonne une place dans le groupe. L’histoire de cet objet prend une perspective inédite, gardant son passé d’objet utilitaire investit de symboles, auquel s’ajoute une nouvelle vie dans le champ de l’art.

Cette notion de la trace, la preuve d’un état révolu, est immédiatement perceptible dans ses œuvres sur papier exposées dans la galerie. Les «Vin sur papier» sont de grandes feuilles blanches où s’accumulent et s’entrecroisent des traces de vin laissées par des fonds de bouteilles, à l’image d’une nappe de fin de banquet bien arrosé.

Jean Shin
— Glasscape, 2005. Bouteilles de vin, silicone. Dimensions variables.
— Sans titre 2, 2005. Vin sur papier. 127 x 97 cm.
— Sans titre 3, 2005. Vin sur papier. 127 x 97 cm.
— Sans titre 4, 2005. Vin sur papier. 127 x 97 cm.

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