PHOTO

Gitte Schäfer

PAnne Malherbe
@12 Jan 2008

Pieds de lampe, pieds de lits, pieds de table, vases, coupes: à l’aide d’éléments de brocante qu’elle agence entre eux ou sur lesquels elle intervient, Gitte Schäfer peuple la galerie Chez Valentin d’un univers d’objets incongrus.

Dans l’Alchimie du Verbe, Rimbaud énumère: «J’aimais les peintures idiotes, dessus de portes, décors, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires». Gitte Schäfer utilise elle aussi des objets insolites, non dépourvus d’un certain charme ni de l’étrangeté et du pouvoir de suggestion propres aux vieilleries.
Son travail n’est cependant pas celui de l’alchimiste. L’artiste empile les éléments initiaux, les superpose, les assemble, pour en faire des objets qui n’ont rien perdu de leur caractère hétéroclite de départ — des objets qui, cependant, ont perdu toute fonction. L’esthétique qui en résulte est celle du bizarre, c’est-à-dire de l’inclassable, de l’inutile, du marginal.

L’espace de la galerie est ainsi rythmé par des colonnes où l’on peut reconnaître des fragments de meubles, des potiches, des éléments de lampes, dont l’alignement vertical est surmonté par un objet pittoresque: mappemonde, navire à voiles, personnage de bois.
La mémoire et la nostalgie sont les premières à nous arrêter. Mais les interrogations s’en suivent aussitôt autour de ce qui s’apparente à un jeu de quilles, à des mâts de cocagne ou encore à des bâtons de procession. A l’évidence, l’ensemble relève de l’univers de la fête, de la cérémonie ou de celui du jeu, univers qui se rejoignent, ainsi que l’analyse Johan Huizinga, par leur commune clôture sur eux-mêmes et leur isolement du reste du monde à l’aide de règles qui en dessinent la configuration.

Ici, les règles en vigueur concernent la provenance des éléments utilisés et l’obligation de laisser cette origine perceptible au sein même des objets réalisés. La polysémie de ces derniers est ainsi compliquée par la multiplicité des éléments qui les composent. Par conséquent, c’est un travail qui se développe sur le mode d’un langage prolifique, un langage dont les mots, indéfiniment renouvelables, s’agencent à l’aide d’une syntaxe qui se contente de l’assemblage et donc permet toutes les combinaisons possibles.

Les phrases qui en résultent offrent elles-mêmes plusieurs niveaux de sens. Par exemple, sur le mur, des cadres de tailles et de couleurs différentes se superposent, formant une composition géométrique. L’élément cadre y reste bien présent, mais il est aussi le matériau premier d’une œuvre abstraite. On pourrait également y voir une déconstruction de la peinture, si l’encadrement du mur vide ne venait réveiller toutes sortes de références, monochrome, Carré blanc, trompe-l’œil.

La démarche de cette artiste n’est pas sans évoquer l’Art brut. Ces œuvres réalisées avec des objets de rebut viennent chercher, dans notre inconscient, des rêves, parfois inquiétants, telle cette matière parcheminée comme une peau qui forme un abat-jour sans lampe, des associations, des fétiches, dont on comprend qu’ils hantaient déjà notre univers quotidien.

English translation : Margot Ross
Traducciòn española : Santiago Borja

Gitte Schäfer
— Conti, 2005. Acrylique et tissu sur bois. 47 x 45 x 13 cm.
— Ariel, n.d. Huile sur toile.
— Spatz, 2005. Bois, cuivre. 165 x 28 cm.
— Tyler, 2005. Panier. 30 x 24,5 x 1,5 cm.
— Ylem, 2004. Miroirs, bois. 105 x 32 x 20 cm.
— Vladimir, 2005. Acrylique, feutre et métal. 84 x 39 x 2,5 cm.
— Heidi, 2005. Structure en grille. 70,5 x 50,5 cm.
— Livo, 2004. Bois, clous, encre. 46 x 62 x 10 cm.

AUTRES EVENEMENTS PHOTO