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Gilles Saussier : le ruban documentaire

Des portraits, témoignages d’une histoire en marche et de petites histoires individuelles. Les photographies documentaires de Gilles Saussier sont des parcelles de mémoire active, des images mentales. À la frontière des beaux-arts et de l’anthropologie.

— Éditeurs : 779 éditions, Paris / Société française de photographie, Paris
— Année : 2003
— Format : 17 x 22 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : 75
— Langues : français, anglais, allemand
— ISBN : 2-914573-10-3
— Prix : 22 €

Lire l’article sur l’exposition de l’artiste, « Retour au pays », à la galerie Zürcher (31 mai-26 juil. 2003)

Une ligne faite en photographiant
par Octave Debary et Arnaud Tellier

Chercher le regard. Dès la couverture, la photographie est placée sous le signe du regard fermé, absenté. Face à l’objectif, le chasseur et son porte-carnier sont invités à fermer les yeux comme pour mieux les ouvrir à une autre image. Ce faisant, le non voyant n’est pas celui que l’on croit. Photographe et photographiés sont en regard. Gilles Saussier demande aux autres de se mettre dans cette position de non voyant et refuse ainsi, refuse à la photographie, de se montrer voyante. Par la métaphore du sommeil (yeux fermés), ces portraits renvoient à une image interne, à un inconnu, un imaginaire assimilables à un inconscient de la vue. En refusant la saisie immédiate du regard, la photographie rend présente, à défaut de rendre visible, ce que les sujets photographiés éprouvent intérieurement : l’imagé désirée. Image perdue du photographe qui recueille la rêverie interne des paysages (Retour au pays) : une image absente. C’est par cette mise en tension de la photographie, comme image absente, que l’on touche à une qualité de ce qui se trouve à l’œuvre : un ruban qui documente l’absence. Il s’agit de voir en fermant les yeux (Retour au pays), de montrer les paysages en les absentant (Living in the Fringe), de retrouver l’histoire dans son invisibilité muséale (La fin du Creusot) ou dans le rachat de ses objets (Les marchés à réderies).

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions 779)

L’artiste
Gilles Saussier est né en 1955. Il a été reporter à l’agence Gamma de 1989 à 1994. Il s’est ensuite orienté au Bangladesh et en France vers une pratique photographique expérimentale. Evoluant à la frontière des beaux-arts, de l’information et de l’anthropologie, il propose une activité documentaire ouverte, faite de retours successifs, de déplacements et d’actualisations des représentations culturelles et artistiques. Il tisse ce faisant un ruban, patchwork d’images et de paroles, empruntant à la fois à la tradition du portrait documentaire, à l’art conceptuel, aux thèses sur le concept d’histoire de Walter Benjamin. Vit et travaille aux Andelys, Eure, France