ART | INTERVIEW

Gerda Steiner et Jörg Lenzlinger

Gerda Steiner et Jörg Lenzlinger participent à l’exposition «Invisible et insaisissable» (Centre des arts d’Enghien-les-Bains, 22 sept.-16 déc. 2011) qui encourage les liens entre art et recherche scientifique. La cristallisation d’engrais chimiques est à la base de la plupart de leurs installations. Des structures coralliennes, des stalactites, des aiguilles, des excroissances sphériques, des croûtes duveteuses se forment et affirment de manière imprévisible toute leur beauté.

Living Color consiste en deux assiettes à soupe posées sur une table: l’une est remplie d’une «soupe» verte, l’autre d’une «soupe» rose. La «soupe» est un engrais, une solution d’urée. Alors que l’eau s’évapore, la «soupe» commence à se cristalliser et à sortir de l’assiette. Des structures de type corallien commencent à se former et couvrent la table proliférant dans toutes les directions, à condition que les assiettes, soient de temps en temps remplies à nouveau. Au point de rencontres des deux solutions, de nouvelles couleurs et de nouvelles formes apparaissent. Le développement du processus étant influencé par différents facteurs, le résultat n’est pas prévisible.

Kristallisator est un grand cylindre transparent contenant un engrais, une solution d’urée chauffée. Pendant la journée, la solution se rafraîchit et un cristal en aiguilles se forme, celles-ci poussant à partir du centre dans toutes les directions.

Comment comprenez-vous l’idée de l’exposition «Invisible & Insaisissable»?
GS et JL. Les médias sont toujours focalisés sur le sensationnel, principalement la destruction. Il est important de faire des expositions sur ce qui pousse lentement et sur le processus de création du vivant.

Comment avez-vous conçu Kristallisator?
GS et JL. Kristallisator est une métaphore du processus de la pensée. Pendant la journée, la pensée fait naître des idées sous la forme de gros cristaux. La nuit, lorsque nous dormons, ils se dissolvent partiellement. L’installation montre l’intelligence d’une substance «organique» produite de manière artificielle.

Quelles ont été les contraintes techniques du projet? Avez-vous eu besoin de collaborer avec des chercheurs ou des scientifiques?
GS et JL. Le projet s’est développé au long de nombreuses années d’observation des phénomènes de cristallisation. Pendant toute cette période, Jörg Lenzlinger a travaillé pour différents musées des sciences. Comme par exemple l’Exploratorium à San Francisco qui a invité des artistes de différentes disciplines à travailler dans son laboratoire, cela a représenté une importante motivation. Mais il est également vrai que le contexte et l’interprétation de l’oeuvre dans les musées des sciences est pour nous trop étroite. Une explication froide d’un processus peut détruire la poésie d’une oeuvre.

Ce projet est entre l’art et les sciences. Quel est le statut de votre travail, une oeuvre d’art ou une expérience?
GS et JL. Si en tant qu’artiste vous vous posez une question particulière et que vous rencontrez le bon scientifique à l’esprit ouvert, c’est pour tous les deux une formidable opportunité. Il a fallu un certain temps avant qu’un véritable échange soit possible. Cela signifie que le scientifique est également intéressé par le travail de l’artiste. Alors, les catégories et les frontières commencent à disparaître et c’est ensemble que vous commencez à nager.

Extrait du catalogue Invisible et insaisissable, Centre des arts d’Enghien-les-Bains, sept. 2011. En vente sur www.cda95.fr

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