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Gérard Fabre

Au fil des pages de cette monographie, on perçoit l’insolence et la force d’attraction de l’œuvre de Gérard Fabre, qui marie superbement le dandysme et le trivial, l’incongru et le magique.

Information

Présentation

De ses cartables débordants de papier mâché à ses volumes et reliefs récents, l’humour semble être le compagnon de route de l’œuvre de Gérard Fabre. Dans son travail (on pourrait dire dispositifs sculpturaux), cet humour va de pair avec une pratique de la sculpture qui se confronte de plain-pied à la complexité des questions qui l’ont portée. Au-delà des apparences immédiates, ce gai luron de la sculpture nous invite à vivre, au cours de son cheminement, de multiples expériences: le simulacre du bâti dans les premières œuvres, l’impact visuel des formes colorées «allegro vivace» quant aux œuvres récentes, la gracilité du mouvement de la ligne ponctuée d’éclats de couleur pour les œuvres des années 80, ou encore le mariage hybride entre design et sculpture à partir des années 90.

Ainsi à fréquenter ses œuvres, on voit se nouer des «conversations» où Arp ferait la nique à judd. Dans les salons de sculpture «fabriens» on croiserait encore Gonzalez, Giacometti, Malaval, Oldenburg, mais aussi Morris et quelques peintres, des coloristes de préférence.

La couleur, qu’il a incorporée à sa sculpture dans les années quatre-vingts, a pris une ampleur considérable dans son travail au point d’envahir les volumes, le relief et les murs, au point d’être l’outil d’appréhension et d’altération des formes, des figures et de l’espace, Il dit lui même «avoir avancé par tâtonnements, car (pour lui) la peinture [était] quelque chose de périlleux…une zone de risque» dans ce «projet ambitieux d’une création qui ferait le lien entre la peinture et la sculpture ».

Ses reliefs et volumes actuels sont souvent ouverts par des «parallélépipèdes par défaut» qui font que la sculpture est quasiment traversée par l’espace. Ces trouées de sculptures semblent être la mise enforme de l’informe. Liliana Albertazzi analyse, entre autres, dans son commentaire incisif le statut de la couleur, qui n’est pas pour rien dans son aptitude à se placer à la croisée des chemins entre peinture et sculpture, objet et espace, dans une prospection dont elle souligne la part de radicalité. Mais on peut voir aussi l’exigence qui porte son travail dans les entretiens et les notes de l’artiste publiés ici. Ils montrent que l’acuité de la pensée peut s’accompagner d’un humour corrosif Il y a du Buster Keaton ou du Desproges chez Gérard Fabre.

Son ami le peintre Bernard Boyer, dans l’amicale proximité qu’il entretient depuis fort longtemps avec son œuvre, lui faisait remarquer: «l’attention portée à la présence physique de tes objets témoigne d’une grande culture héritée de cette fascination qu’ont les artistes pour la pensée faite objet» et il soulignait comment ses objets qui «campent entre le sol et le mur flottent dans une dimension qui n’est pas du seul domaine de la tridimensionnalité. Ils sont habités parles questions pérennes et intemporelles de l’espace».

Depuis, Gérard Fabre a intégré de façon extrêmement inventive le design dans sa sculpture à travers une relation tout àfait surprenante avec la pratique du volume. Comme au début quand il construisait des charpentes avec ce matériau pauvre et fragile qu’est le papier mâché, ses «vides» d’aujourd’hui, qui sont comme les négatifs d’objets ou de mobiliers, semblent charpenter l’informe. Il y a chez lui un double mouvement qui porte la forme vers la figurabilité et inversement (ainsi cette sculpture qui associe dans une contiguïté joyeusement troublante l’objet, la figure et la forme: formes géométriques, projecteur et/ou figure de Mickey Mouse).

Il y a enfin dans son œuvre une richesse de matériaux, de savoir-faire et de savoirs accumulés ou plutôt assimilés. François Bazzoli en a écrit l’abécédaire dans un texte subtil où l’inventaire se conjugue à l’archéologie de ses (et aussi ces) pratiques.

Gérard Fabre est né en 1955 à Marseille. Il a étudié à l’École d’Art et d’Architecture de Luminy. Il vit à Marseille où il enseigne à l’École Supérieure des Beaux-Arts.