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Georg Baselitz

13 Juin - 27 Sep 2009
Vernissage le 12 Juin 2009

Baselitz est une figure majeur de l’art contemporain. D’une rare agressivité, cet artiste affirme que son objectif est de détruire tout ce qui a été fait en art par ses oeuvres. Son but est d’être toujours dans l’inconnu, en contradiction avec l’art existant. Mais, lorsque l’on peint depuis quarante ans, arrive un moment où l’on fait parti du passé que l’on veut détruire. Baselitz alors, fidèle à ses propos, s’attaque à lui-même.

Communiqué de presse
Georg Baselitz
Georg Baselitz

Comment présenter une nouvelle exposition consacrée à Georg Baselitz, un des monuments de la peinture des cinq dernières décennies?
Tellement de choses ont été écrites à son sujet depuis son entrée fracassante sur la scène de l’art en 1963 lorsque Michael Werner et Benjamin Katz ont inauguré leur galerie de Berlin par une exposition qui lui était consacrée. Deux de ses peintures avaient fait scandale ; l’une d’elles montrait un homme nu doté d’un gigantesque phallus (L’homme nu) et l’autre un homme visiblement en train de se masturber (La grande nuit foutue). Les deux toiles avaient alors été confisquées par la justice pour délit d’indécence publique. L’artiste et les galeristes avaient été condamnés à une amende.

Une autre preuve de cette attitude rebelle et provocatrice – il est significatif qu’il réalise en 1965 un tableau intitulé Le rebelle – nous est apportée en 1969 lorsqu’il peint La Forêt tête en bas, la première d’une très longue série de peintures avec le motif à l’envers, qui immédiatement distingue Baselitz de tous les autres artistes et assure sa célébrité internationale.

Pour expliquer son attitude agressive et iconoclaste – Rappelons que Picasso considérait que la peinture devait être une arme de guerre –, Baselitz dit : « Lorsque vous êtes jeune, vous voulez toujours modifier le monde. Et pour changer le monde, vous devez d’abord détruire ce qui existe, et alors il faut d’abord détruire la peinture parce que c’est la chose la plus stable du monde. Les guerres détruisent les hommes, les maisons, des nations entières, mais pas la peinture. La peinture est préservée.

Mais si vous aimez ces peintures, comment pouvez-vous les détruire ? D’abord il faut trouver quelque chose qui n’a jamais été fait. En conséquence, ma tâche est d’agir de façon à ce que les autres peintures existantes soient éliminées, que seule la mienne existe. Je sais que cette attitude n’est pas très sérieuse, mais je pense que tous les artistes fonctionnent selon ce principe… Lorsque vous regardez tout ça, vous vous dites : “Qu’est-ce qu’il me reste à faire, quel type de destruction vais-je opérer ?” Pour ne pas succomber [à la convention] vous devez hisser le drapeau, vous affirmer, ne jamais baisser la garde ».

Cette citation un peu longue nous éclaire sur les objectifs que Baselitz s’est fixés et auxquels, à ce jour, il n’a jamais dérogé. Bousculer l’ordre établi, choquer le bon goût, s’attaquer aux icônes de l’art, comme il le dit dans ce texte, n’est pas nécessairement la marque d’un ego surdimensionné ou le moyen de s’assurer un succès médiatique par le scandale, mais répond surtout à la nécessité d’imposer sa singularité en tant qu’artiste et d’en assumer toutes les conséquences – Il constate que « dans l’histoire de l’art pour se faire remarquer il ne faut pas tenter de faire quelque chose de plus beau, cela ne sert à rien, il n’y a aucun exemple; il faut danser à rebours, contredire ce qui a cours ».

C’est pour la liberté qu’ils incarnent que les régimes totalitaires n’ont de cesse de museler les artistes. On est en droit de penser que l’attitude de Baselitz est une réaction à cette soif de liberté dont il a été privé pendant sa jeunesse, ayant successivement vécu sous le nazisme et le régime communiste de la RDA.

La déclaration de guerre aux oeuvres des artistes qu’il admire, Baselitz l’adresse aussi à ses propres oeuvres. Il confie : « Quand j’ai décidé de retourner les images, j’ai été serein un moment… Mais au bout d’un certain temps le problème s’est posé à nouveau… Vous n’en n’avez jamais fini. Pendant 25 ans j’aimais les peintures que je faisais, mais il fallait aussi que je les détruise ».

À partir de 1995, Baselitz amorce une phase nouvelle en se penchant sur son passé, sans doute avec nostalgie, mais surtout, comme toujours chez lui avec l’envie d’engager une nouvelle bataille. Il commence alors à peindre des tableaux d’après de vieilles photos de famille ou d’autres images qui avaient bercé son enfance et son adolescence.

Cette investigation autobiographique s’accompagne d’une rupture brutale dans sa façon de peindre : lui le peintre matiériste par excellence, qui accumulait les couches de peinture jusqu’à l’excès, utilise désormais la peinture à l’huile très délayée, quasiment liquide. « Une peinture aussi mince que de l’eau, sans contours, comme cela doit être pour des aquarelles ». C’est avec cette nouvelle technique – Baselitz préfère utiliser le terme de « méthode » à celui de technique – qu’il réinterprète également ses tableaux les plus célèbres peints dans les années soixante, et qu’il nomme Remix.

Pour aborder ce cycle il choisit la fameuse La grande nuit foutue – objet du scandale de 1963 – dont il donne une nouvelle version moins tragique et plus humoristique. Le résultat obtenu l’incite à continuer ce dialogue ludique avec ses oeuvres anciennes, non par nostalgie, mais pour réaliser quelque chose de nouveau et qui leur soit supérieur ; quelque chose qui soit contemporain du travail des jeunes artistes qu’il estime, notamment, Peter Doig, Daniel Richter et le sulfureux Jonathan Meese, avec lequel il a exposé en 2008 à la Contemporary Fine Art Gallery de Berlin.

C’est une fois encore pour Baselitz le moyen de camper héroïquement sur la ligne de front bannière au vent.
Pour l’exposition de l’Hôtel des Arts, nous avons donc adopté le parti de montrer uniquement les oeuvres réalisées au cours de la dernière décennie, comme celles faites par un jeune peintre de 71 ans à l’esprit farceur, parmi lesquelles figurent plusieurs Remix. Devant l’allégresse et l’humour explosif qui émanent de celles-ci, on ne peut s’empêcher de penser à l’exposition de Picasso au Palais des Papes à Avignon en 1970 (Picasso avait alors 90 ans) qui avait frappé le public par l’extraordinaire jaillissement pictural du vieux Maître, et la jeunesse pétillante de son esprit créateur.

Comme toujours chez Baselitz, les thèmes qu’il a abordés ces dernières années mélangent de manière ironique et provocante les choses de la sphère intime, les références à l’histoire de l’art – voir sa série délirante sur les ébats de Marcel Duchamp avec sa femme de chambre – et les événements tragiques de l’histoire du XXe siècle avec les allusions répétées au nazisme et au communisme.
Ainsi la figure d’Adolf Hitler envahit ses tableaux sous la forme de personnages ridicules affublés de la célèbre petite moustache et de la mèche de cheveux et, dans une série de tableaux inspirés de Mondrian, les lignes verticales et horizontales forment les branches de la croix gammée ; Lénine et Staline, dans une autre série, ne bénéficient pas d’un traitement beaucoup plus favorable.

Par ailleurs le lien très fort que Baselitz entretient avec la nature, particulièrement avec l’arbre et la forêt, ne s’est pas estompé avec les années. Cet enracinement de l’homme à la terre se manifeste chez Baselitz par la projection, au sens psychanalytique du terme, qu’il fait sur la figure de l’arbre – on rappellera que le test de l’arbre est un instrument efficace utilisé en psychologie clinique pour explorer la personnalité du sujet.

Une peinture présentée dans l’exposition est exemplaire du mécanisme projectif en oeuvre chez Baselitz, puisqu’on y voit un personnage enfoui jusqu’au bassin dans le sol avec ses jambes qui forment des racines. On trouve un autre exemple de ce rapport anthropomorphique avec l’arbre dans un tableau du peintre danois Kirkeby, compagnon de route de Baselitz, dans l’oeuvre duquel la nature occupe une place majeure : on y voit un arbre affublé d’oreilles.

Enfin dans l’univers iconographique de Baselitz le corps fragmenté garde une place toujours aussi importante, particulièrement la main et le pied. L’exposition y fait droit en présentant de très belles aquarelles et gravures ayant pour thème la chaussure appréhendée dans ses différents avatars.

L’évocation des éléments biographiques et iconographiques de Baselitz, bien que d’un intérêt évident pour la compréhension de son oeuvre, n’explique en rien la place éminente qu’il occupe sur la scène internationale de l’art depuis plus de quarante années, pas plus que le caractère agressif et provocateur de ses tableaux ou le fait que les motifs sont montrés à l’envers ; celle-ci réside en réalité essentiellement dans la force et les qualités purement picturales de son oeuvre, toutes techniques confondues. En effet, outre la peinture, l’oeuvre gravé comme la sculpture sont à placer au sommet de ce qui a été produit au XXe siècle dans ces domaines – on ne peut s’empêcher d’établir un autre parallèle avec Picasso – L’exposition leur accorde logiquement une large place.

On pourrait aussi évoquer la proximité de Baselitz avec Tàpies avec qui il partage la même puissance à la fois brutale et sophistiquée, le sens du tragique mêlé de dérision, le goût pour les images à caractère sexuel et la présence insistante du corps fragmenté ; comme si seules l’Espagne et l’Allemagne possédaient le secret de ce mystérieux cocktail. Car la germanité de Baselitz est en lien profond avec son oeuvre.

Il la revendique et déclare : « Ce à quoi je ne pourrai jamais échapper, c’est l’Allemagne et le fait que je suis Allemand. Même si cela présente des côtés déplaisants, j’en ai tiré la conclusion qu’il fallait m’arrêter de le nier et en tirer une méthode de travail, et au contraire assumer totalement le fait que j’étais Allemand. C’est ce que je fais toujours aujourd’hui ».

Gilles Altieri, directeur de l’Hôtel des Arts, commissaire de l’exposition.

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