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Geometric Final Fantasy

PPhilippe Coubetergues
@12 Jan 2008

Karina Bisch revisite très librement l’histoire de l’art moderne en s’emparant de formes et de concepts qu’elle rejoue avec une sorte d’insouciance, sur le mode de la reprise, de la réminiscence.

Karina Bisch sous le titre générique de Geometric Final Fantasy (le nom d’un jeu vidéo de reconstruction de l’espace domestique) propose une sorte de panorama sur les divers aspects de sa recherche.
Karina Bisch, est une artiste qui revisite très librement l’histoire de l’art moderne en s’emparant ça et là de formes et de concepts, qu’elle rejoue avec une sorte d’insouciance, remarquablement feinte. Son registre fonctionne, semble-t-il, sur le mode de la reprise (comme on parle de reprise au cinéma, ce qui autorise pas mal d’écart), de la réminiscence.

Les citations sont multiples, diverses, joyeusement associées entre elles sans aucune volonté didactique. C’est une affaire d’héritage, de dette envers l’histoire, dont il est ici question. Nous sommes imprégnés de ces modèles modernistes qui hantent, encore de nos jours, toute notre conception de l’espace urbain, architectural, décoratif. Pour les dépasser, il faut leur faire un sort. Karina Bisch, à l’instar d’autres artistes de sa génération, les réinscrit dans une postérité, sans déférence excessive ni nostalgie particulière. Elle les sort du formol, les extrait, à juste titre, d’une idéalité trop écrasante.

Formellement, cela se traduit par des tableaux abstraits et géométriques, de différents formats, parfois directement inspirés de façades architecturales, des assemblages cubiques de bois plâtré ou peint, des compositions murales, etc.
Aucune restriction de médium ne semble maintenant limiter sa démarche, ce qui se justifie fort bien, puisque les tutelles modernistes auxquelles elle se réfère, se sont exercées dans tous les domaines, abolissant, pour un temps, tout cloisonnement entre les arts.
Ajoutons que la scénographie de ces œuvres prend également du sens au regard des espaces qu’elle investit, eux-mêmes marqués immanquablement par une histoire.

Pour l’occasion, sa proposition au Crédac consiste en quelques grands tableaux en vis-à-vis de volumes imposants, et répartis sur deux salles que l’on visite successivement dans ce qui apparaît comme une sorte d’enchaînement, de parcours. Face à face, côte à côte ou dos à dos, les œuvres se répondent dans une partition cependant inégale.
Les Géants, en particulier, (personnages costumés inspirés de dessins de Giacomo Balla, réalisés en feutre collé sur toile de jute tendue sur des panneaux de contre-plaqué, eux-mêmes solidarisés entre eux façon paravent), tout surdimensionnés qu’ils soient ne sont pas convaincants. Certes, cela frôle le mauvais décor de MJC, et ce n’est pas sans faire sourire. Mais c’est un peu court pour ne pas paraître pathétique.

En revanche, la théière à proprement parler monumentale de Malevitch, réalisée dans un matériau qui nous rappelle ses architectones suprématistes, semble sous cette relecture, au-delà de la perte de sa fonctionnalité, se révéler comme un objet d’une remarquable incongruité formelle.
Il émane du Nunchacube (un cube énorme et suspendu, seulement désigné par ses arêtes en nunchakus démesurés) une sorte de bizarrerie comparable, bien que son rapport à la citation soit moins fécond.
Enfin les grandes œuvres peintes de Karina Bisch exposées en regard des ces objets, sur le double registre paradoxal de l’application et du raté, du calcul et du hasard, du jamais et du déjà vu, sont pour tout dire, assez réussies.

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