ART | CRITIQUE

Gary Panter

PEmmanuel Posnic
@30 Mai 2011

Relativement méconnu en France, le travail de Gary Panter s'expose à la galerie Martel, le temps d'une rétrospective mêlant planches dessinées, peintures et autres projets d’illustration.

L’exposition de Gary Panter s’ouvre sur une grande peinture murale réalisée juste avant l’ouverture au public. Un fond rose colonisé par des filaments rouges sur lesquels viennent s’accrocher des petits personnages et des objets difformes, à la fois débonnaires et sympathiques. Le tout valsant entre la légèreté édulcorée et une bonne dose de rudesse.
Le décor Panter se plante là. Dans ces tonalités réjouissantes et ce trait un peu arraché. La débauche positiviste pop renversée par l’hystérie punk. Difficile donc de situer l’artiste, de toute façon à l’étroit dans les convenances stylistiques.

Illustration, peinture, gravure, performance, pochette d’album, sculpture, maquette, scénographie, rien ne résiste à ce monstre de travail formé aux Beaux-Arts dans le Texas et très vite exilé sur la côte Ouest, à l’époque où la scène underground se muait en sérieuse alternative au Mainstream.
Gary Panter s’est adonné à tout ce que son appétit de récit lui ordonnait. Avec une constante, une racine matricielle qui s’appuie, comme d’autres Californiens ailleurs, Raymond Pettibon ou Mike Kelley par exemple, sur le registre du comics. C’est à partir de là que Gary Panter va inventer sa propre iconographie, trempée dans l’absurde, un peu comme si l’esthétique Marvel s’était égarée dans un joyeux Walt Disney.

C’est ainsi que le monde de Gary Panter est peuplé de psychotiques, de bêtes fantasmagoriques, d’extraterrestres effrayants, d’écorchés libidineux, de Barbarellas autoritaires, de benêts contemplatifs et, parmi cette faune bigarrée, d’un super-héros primitif nommé Jimbo. Probablement le double rêvé de Gary Panter.
Un homme coiffé en brosse, au nez en trompette, à la musculature affirmée mais aussi en proie aux doutes et butant en permanence à la lisière du Purgatoire, entre l’Enfer et le Paradis.

Les références à Dante servent d’ailleurs de jalon pour les albums de la série publiés dès la fin des années 70. Les premières éditions de Gary Panter marqueront aussi le début de multiples collaborations artistiques: Art Spiegelman, Matt Groening, Charles Burns, la belle génération de l’underground post-Crumb. Il signera également à partir de 1986 les décors télé du Pee-Wee’s Playhouse, l’excentrique émission jeune public de Paul Reubens.

L’exposition fait le tour des illustrations de Gary Panter, s’attardant bien entendu sur les planches des Jimbo mais aussi sur un panorama bien choisi de ses peintures, portraits et projets d’édition (à noter notamment la récente édition de Panter aux United Dead Artists du français Stéphane Blanquet, The Land Unknown).
On le savait maître en profusion, narrateur exubérant, on le découvre d’une constance sans faille lorsqu’il s’agit de sa technique de peintre. Chez Gary Panter, quand l’acrylique ou l’aquarelle envahissent la surface, le dessin reste la pierre angulaire de sa signature graphique. Pas moyen pour lui de renier la «structure». La couleur et même les sujets ne forment que des supplétifs au trait.

Un trait raide, frontal, volontairement instable. Par moment, on croirait voir Jean Dubuffet, Philip Guston, voire sur certaines planches des parentés avec les Futuristes italiens du début du XXe siècle. Des artistes qui savaient transmettre dans leur peinture cette tension permanente entre la conformité au réel et un dessin qui exulte son désir de destruction.

Gary Panter fait bien partie de ceux-là. La satire à la sauvage en plus.

Å’uvres
— Gary Panter, Sighful Eyeful, 1987. Acrylique sur papier. 65 x 50cm.
— Gary Panter, Gear, 2004. Acrylique sur papier. 65 x 50cm.
— Gary Panter, Goon Pills, 2009. Encre et aquarelle sur papier. 35 x 28cm.
— Gary Panter, Abstract Jimbo, 1982. Technique mixte sur papier. 19 x 27cm.
— Gary Panter, Jimbo Indian, 1981. Encre sur papier. 28 x 37cm

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