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Full Emotion

14 Mai - 25 Juin 2011
Vernissage le 14 Mai 2011

Regina Virserius pousse à l'extrême la logique des images télévisées. A partir d'une analyse originale des images produites pendant la Coupe Mondiale de Football, elle interroge la spectacularisation de nos émotions.

Regina Virserius
Full Emotion

Par Myriam Poiatti

Démesure
Evoquer la Coupe du monde de football, c’est convoquer la démesure de cet évènement. Tout est extraordinaire.

Gros plans
Cadrer en très gros plan les visages des joueurs, ancrer leur lecture avec le titre Full Emotion, accompagné des mots Emotions, Television, Football, Nations,….Colors, c’est focaliser l’image sur une autre démesure propre à la retransmission télévisuelle, celle de la théâtralisation des sentiments, totalement décontextualisée.

Fragments
Lors du Mondial, l’écran télévisuel double constamment le réel grâce à l’installation d’écrans géants dans de nombreux lieux. Plus de vingt caméras, placées autour de chaque stade, permettent une diffusion qui multiplie les points de vue, focalise sur les détails, ralentit les mouvements, retourne dans le temps, construit des récits partiels. Paradoxalement, la démultiplication du nombre de caméras, instruments d’enregistrement du réel, diffuse des images en mouvement qui s’éloignent de l’idée de la reproduction mimétique du référentiel. Pour fournir une transmission spectaculaire, la réalisation privilégie un «donner à voir» séducteur et palpitant, mais qui prive le téléspectateur de l’appréhension globale de l’action dans le stade. Constamment, nos yeux vissés aux écrans assemblent les fragments télévisuels. Toutefois, la succession de ces images relève plus des codes narratifs de la fiction.

Décontextualisation
Régina Virserius travaille sur le très gros plan, sur la spectacularisation des émotions rendues lisibles sur les visages grâce aux puissants moyens techniques d’enregistrement filmique.
Les arrêts sur image s’apparentent à des prises de notes rapides de physionomies expressives, décontextualisées et assemblées pour créer une cartographie d’«émotions» possibles. Ainsi, paradoxalement, ces images consommées en direct par des milliards de téléspectateurs pour leur apparente immédiateté avec l’événement, se transforment instantanément en représentation palpitante. Le jeu d’équipe se réduit alors aux détails saisissants (yeux, nez, bouches), «peopliser» le spectacle pour gagner des parts d’audience.

Spectacularisation
Le nombre exorbitant de téléspectateurs du Mondial contribue à la constitution d’une vision d’ordre photographique du monde, avec les erreurs d’interprétation qui ne manquent pas de faire suite à cette absence de vision du monde réel. Ainsi les dieux du stade s’assemblent en équipes nationales qui n’existent que dans le cadre du Mondial et dont l’aspect fictif se reflète dans Full Emotion. Chaque équipe véhicule l’image symbolique d’une nation à travers drapeaux et maillots, auxquels Regina Virserius fait allusion avec les surfaces de couleurs uniformes, en dépit de l’exigence télévisuelle qui privilégie le culte de l’action individuelle. Regina Virserius pousse à l’extrême cette logique médiatique de la spectacularisation qui donne un rôle secondaire aux actions collectives, en détachant les visages de leur environnement pour ne laisser subsister que l’impact émotif, gage de séduction des publics.

Ubiquité
Véritable mise en scène dramatisée, la retransmission des matchs proscrit tous les temps morts. Ce qui fascine le téléspectateur, c’est la possibilité d’être «dans» l’action, de voir de très près les visages marqués par l’effort. Assister à un match «in vivo» depuis les gradins est finalement bien moins palpitant, si ce n’est que désormais s’ajoutent les écrans géants qui permettent d’avoir à la fois la vision d’ensemble et les plans rapprochés, et de réaliser un vieux rêve: le don d’ubiquité.
Observatrice des codes télévisuels, Regina Virserius ajoute ses propres filtres; avec ses images d’images, elle crée une composition de pièces rapportées, qui s’inscrit dans la continuité du processus fragmentaire induit par le télévisuel et de ses propres expérimentations.

En parallèle, en effet, l’artiste mène diverses recherches qui toutes ont trait avec le pouvoir, la guerre, l’affirmation nationale, la possession territoriale et le spectaculaire médiatique. Full Emotion se trouve à la jonction de ces investigations.

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