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Fucked

PPierre-Évariste Douaire
@12 Jan 2008

La dernière sculpture de Tony Matelli, Fucked, présente un homme en lambeau qui a été poignardé par mille instruments contondants. L’homme supplicié est une version moderne de Saint-Sébastien.

En parcourant le nouvel espace de la galerie Perrotin, expatriée du treizième arrondissement pour gagner les ors d’un hôtel particulier du Marais, découvrira la dernière sculpture de Tony Matelli : Fucked.

En général l’artiste italien mélange humour et hyperréalisme. Il n’a ici retenu que l’humour. Un homme a été sévèrement attaqué par une multitude d’objets, armes et projectiles, que son corps conserve. Il ne tient debout qu’au moyen d’une attelle. L’énoncé de tous ces ustensiles qui ont lardé sa peau de polyester et de mousse est une liste à la Prévert: ciseau, batte de baseball, machette, club de golfe, marteau, tournevis, fourche, brique, pavée, couteau de boucher, sabre, épée.

Le corps est endeuillé de toutes ces mutilations, de toutes ces dépravations. Il ne reste plus que des bouts de peau semblables à des morceaux de viande. Cette sculpture renvoie à l’art des écorchés. Michel Ange ne fait pas autre chose dans la Sixtine avec le Jugement dernier. Rembrandt avec son Bœuf écorché rentre lui aussi dans la chair de la chair.

Matelli, à l’exemple d’un McCarthy, tourne en dérision cette histoire des corps suppliciés. A la peau et aux plis il préfère les entrailles les plus gores. Alors que ses précédents travaux restaient au niveau d’un travail irréprochable, il s’aventure ici à aller dans ce qui fâche. Les viscères sont réduits en compote, la chair est hachée menu, il ne reste plus rien de ce qui était un homme. Les yeux sont exorbités, et l’on voit jaillir du crâne des petites fontaines de sang.

L’homme contemporain est comme Saint-Sébastien, il est tiraillé de tous les côtés. Les flèches sont remplacées par des battes de baseball. La lapidation de notre société se fait au rayon quincaillerie des magasins de bricolage. Les pierres sont remplacées par des pavés et des briques.
L’homme occidental actuel est en position de survie, il ne peut qu’essuyer les coups et essayer de se tenir debout. Victime d’une société médiatique, le corps présenté en spectacle est autant social que cinématographique.
L’excès est salutaire, ironique, irrévérencieux mais il repose les questions du martyr que posaient les peintres de la Renaissance. L’absurde est ici représenté par cette béquille qui permet de soutenir tous ces affronts.

Tony Matelli
Fucked (Human Version), 2005. Polyester, mousse, peinture, ustensiles.
Fucked, 2005. Polyester, mousse, peinture. 55 x 21 x 20 cm.

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