DANSE | SPECTACLE

Some Hope for the Bastards

11 Avr - 13 Avr 2019

Quand le chorégraphe Frédérick Gravel organise une fête, il y a des chances pour que l'évènement soit électrique. Avec Some Hope for the Bastards, il invite les publics à se plonger dans un concert chorégraphique aussi sombre que charnel. Entre apathie et réveil forcé, avec la pulsation comme facteur de réanimation.

Avec Some Hope for the Bastards (2017), le chorégraphe canadien Frédérick Gravel (Cie DLD – Daniel Léveillé Danse) livre une pièce pour neuf danseurs et trois musiciens. Un concert chorégraphique un brin déjanté, pour une ambiance de fête vaguement délétère. Les danseurs sont beaux, bien habillés, jeunes, bien portants… Des prototypes de trentenaires de la classe moyenne à supérieure, bien éduqués, en quête de délassement. La semaine est finie, il faudrait purger le trop-plein avant de replonger dans une nouvelle semaine. Personnages à la fois ordinaires et terriblement privilégiés, ils vibrent au rythme de la musique. Tandis que sur une autre scène, au fond de la scène, jouent trois musiciens. Avec un live de batterie, de guitare et de mixage — par Philippe Brault, Frédérick Gravel et José Major. Que se passe-t-il ? « Une fête mélancolique, une célébration sombre. Une ode poétique au sentiment d’impuissance et à l’apathie ».

Some Hope for the Bastards de Frédérick Gravel : fêter la fin du monde, ou son début

C’est avec ces mots que Frédérick Gravel présente la pièce Some Hope for the Bastards [Un peu d’espoir pour les bâtards]. La tonalité est donnée : il y a du sarcasme désabusé dans la fête à laquelle sont conviés les spectateurs. Qui sont ces bâtards ? Un peu tout le monde. À commencer par les spectateurs et le chorégraphe lui-même. Car au moment où la peur gagne du terrain à l’échelle mondiale, où toutes les urgences affluent (climatiques, politiques, socioéconomiques…), que font les personnes qui pourraient changer les choses ? Celles qui, éduquées, ont reçu les outils permettant de se faire une représentation globale ? Rien. Ou pas grand-chose. Elles sont probablement dans la salle — spectateurs, danseurs, chorégraphe… Et elles attendent. Mais quoi ? Un sauveur, un déclic, une illumination ? Pour Frédérick Gravel le constat est simple : rien ne viendra de l’extérieur, il faut se réveiller.

Un concert chorégraphique sombre et charnel : des électrochocs pour se réveiller

Balayant le spectre des fêtes aussi photogéniques que policées, Some Hope for the Bastards malaxe une texture plus sombre et charnelle. Comme l’explique Frédérick Gravel, « le titre fait référence à cette émotion vécue, ce moment où j’ai estimé que je ne servais à rien d’autre qu’à donner un peu d’espoir à des trous du cul parmi lesquels je m’inclus. » Le verbe est haut ; la danse n’est pas moins fleurie. Car ce n’est pas parce que le constat est amer, que la mollesse gagne. Au contraire. Le rythme est dur, sec, tendu. Entre Joy Division et musique baroque (La Passion selon Saint-Jean de Johann Sebastian Bach), la danse plonge dans l’orgiaque, à la lisière de l’espoir. Pièce obsédée par la recherche de la pulsation, Some Hope for the Bastards pousse ainsi l’envoûtante hypnose du pendule… Jusqu’au réveil. Forcément un peu électrique.

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