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Fragments d’arrière-cour

Rien n’est plus commun que de penser que les arbres vivent dehors, qu’ils sont faits de bois, que les rochers font aussi partie du paysage extérieur et que leur matière, minérale, est la pierre. Les évidences sont parfois trompeuses. Et c’est de ces faux semblants dont se joue Pierre Malphettes, mettant en scène, dans l’espace expérimental du Tube de la galerie Kamel Mennour, la confusion des genres.

Un espace entre cave et cour, intérieur et extérieur, le Tube figure l’obscurité, repeint en gris et moquette noire. Inutile de tenter de savoir où nous sommes, ici, c’est l’espace du non-lieu, le monde des contradictions.

Cinq objets imposants se répondent dans les deux pièces du Tube. Si les deux fenêtres figurent bien l’ouverture et la forme d’une fenêtre, sa lumière n’est qu’artificielle, électrique. Nous ne savons pas de quel côté nous sommes. Extérieur dirions-nous si ce rocher n’était pas de fer et si cette souche de bois n’était pas composée de tasseaux géométriquement reconstitués. Jusqu’à cet amas de terre, fait de claustras minutieusement agencés.

Le paysage est ici fragmenté, et revient à son étymologie même. Il désigne à la fois, comme le soulève Kenneth Clark dans L’Art du paysage, indifféremment la réalité ou sa représentation. Vidés de leur contenant habituel, projetés dans leur fonction industrielle, la souche, le rocher et l’amas de terre se retrouvent à la fois dans leur forme naturelle tout en évoquant le produit manufacturé qu’ils peuvent devenir.

Un dialogue entre nature et artifice : voilà ce qu’il reste de la nature, voici ce que l’objet industriel conserve d’elle. Comme pour rappeler que la nature est inhérente à toute production, même transformée, Pierre Malphettes, extrait l’idée de nature, pour la placer dans cet espace aseptisé, dans sa matérialité la plus artificielle, dans son utilité… mais aussi dans son inutilité. Comble de la contradiction.
Critique de la surexploitation quasi absurde de la nature ou rappel à ce qui fait l’origine de tout, même d’une œuvre d’art, la nature est ici omniprésente dans un espace qui lui serait totalement hostile.
Rien ne laisse passer la lumière, rien ne permettrait à un arbre de pousser, à un tas de terre de s’affaisser lentement… A l’opposé d’une création avec la nature, réalisée en dehors de l’atelier et de tout lieu de représentation de l’art, d’une création «outdoor» pour reprendre les mots  de Colette Garraud dans L’Idée de nature dans l’art contemporain, ici, dans cet espace expérimental, l’idée de nature est venue se confronter à la matérialité et à la chaire de l’objet, de ce qui fait l’œuvre. Elle n’en ressort pas indemne de l’empreinte de la fonctionnalité et du geste artistique.

Pierre Malphettes
Fragments d’arrière-cour, 2008. In le Tube- Espace expérimental.

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