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Fragilisme

PPierre-Évariste Douaire
@12 Jan 2008

Une exposition-manifeste en faveur d’une esthétique de la composition des éléments du quotidien. Une exposition-miroir de la préoccupation d’une partie de l’art contemporain qui cherche une voie vers un art décomplexé, populaire et exigeant.

Avec Fragilisme la Fondation Cartier signe une exposition manifeste. Depuis plusieurs années déjà ce temple dédié à l’art contemporain négocie, propose des passages entre les différents aspects de la création. Cartier le mécène, Carier le joaillier favorise toutes les tranversalités, multiplie les métissages. Les œuvres exposées répondent toujours à un double critère : la qualité et toujours plaire au plus grand nombre. Cela revient à présenter dans un bel écrin des bijoux précieux mais pas forcément nobles au départ. Les trois artistes-commissaires invités s’inscrivent dans cette politique de promotion. Ils ont scénographié un parcours entre le jardin et les salles du bâtiment avec des œuvres éparpillées ici et là.

Le manifeste n’est pas formulé, il n’est pas revendicatif, il ne se résume pas à un tract, il se confond plutôt avec l’état d’esprit et l’identité du lieu d’accueil. Son but est de promouvoir un art dédié à l’agilité (intellectuelle et manuelle) et à l’astuce. Aujourd’hui, agilité rime avec fragilité. Mais ce slogan a déjà été décliné auparavant. Les sculptures de Vincent Beaurin et Fabrice Domercq sont des accumulations, des bricolages de légèreté, de précisions et de justesses. Elles ne sont pas sans rappeler les expositions précédentes, différentes mais conçues dans le même esprit d’éclectisme, l’exposition de Sarah Sze ou une oeuvre en perle de Liza Lou. Ces deux jeunes femmes, avec des moyens volontairement simples — des biens manufacturés produits en série et peu coûteux, choisis pour leur forme et leur couleur — produisaient des oeuvres monumentales avec des moyens pauvres.

Comme pour Un art populaire la formule retenue par les artistes peut se résumer par produire le maximum d’effets avec le minimum de moyens. Cette conception de l’art débouche sur une esthétique que l’on pourrait qualifier d’Arte Povera chic. L’art naïf, l’art collectif mais aussi l’art conceptuel ne sont jamais loin pour produire cet art d’aujourd’hui. Sans renoncer à aucune influence et en prolongeant les inventions et les techniques de leurs précurseurs, ces artistes affichent un art décontracté et ambitieux à la fois. Leur art est pauvre et chic, simple et précieux. Leur imaginaire repose dans leur vision du quotidien, dans leur force à créer à partir de rien. Beaurin et Domercq à partir d’épluchures, à partir de biens périssables, construisent des petits mobiles à la Calder. La réussite de ces assemblages réside surtout dans leur aspect sculptural. Le spectateur oublie les matériaux employés pour se concentrer sur la forme.

Alessandro Mendini, le troisième protagoniste, est plus proche de l’artisanat et des arts appliqués que ses deux compagnons. Artiste non de la récupération mais de l’accumulation, il essaime ses fauteuils d’écrivain, ses têtes totems dans toute la fondation. Avec une grammaire et une syntaxe basées sur la mosaïque et le pointillisme, ses pièces sont facilement identifiables. Le design lui permet de s’accaparer et de proposer des objets qui n’ont rien à envier aux sculptures.

Cette exposition manifeste est un jalon supplémentaire à l’élaboration d’une esthétique de la composition des éléments du quotidien, elle est surtout une exposition miroir de la préoccupation actuelle d’une partie de l’art contemporain qui cherche une voie vers un art décomplexé, populaire et exigeant.

Alessandro Mendini :
130 pièces et la disposition des œuvres à l’intérieur de la Fondation et dans son jardin.
Vincent Beaurin :
près de 70 petites sculptures en plâtre, de 15 aquarelles, et des pièces monumentales en polystyrène et en peaux de mandarines.
Fabrice Domercq:
30 sculptures en tiges de bambou recouvertes d’adhésif, en pain ou en fil de coton.

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