PHOTO | CRITIQUE

Fotonovelas 1960-75

PPierre-Évariste Douaire
@12 Jan 2008

Accrochage vintage à la galerie Polaris. Antonio Caballero ressuscite des clichés vieux de trente ans. A l’époque, ils servaient à alimenter des romans-photos mexicains. C’est la première fois que cette manne fais l’objet d’une exposition. Fotonovela 1960-75 est l’occasion de revenir sur un genre disparu et une époque révolue.

La galerie Polaris a l’habitude de présenter le travail de photographes actuels. Généralement les séries exposées sont de l’année. Une fois n’est pas coutume, Fotonovela 1960-75 présente un accrochage de photographies d’Antonio Caballero qui ont été spécialement tirées pour l’exposition. Le photographe mexicain s’est replongé dans ses souvenirs en ouvrant ses tiroirs. Après plus de trente ans, il a redécouvert les négatifs qui lui ont servi à élaborer les romans-photos des années 60 et 70.

Cette production a toujours été destinée à une publication immédiate. Plus qu’un simple photographe, le jeune homme a été son propre producteur et son propre éditeur — le foisonnement fait partie du genre —, il aurait publié autour de cinq cents revues à l’eau de rose. L’accrochage, sur les murs de la galerie, conserve la pagination d’un journal. Les photos conservent la toile narrative que l’on retrouve dans ces feuilletons populaires. Les légendes et les bulles ont été remisées, il ne reste plus que des personnages surjouant des scènes de trahison, d’amour et d’aventure.

Chaque série retravaille l’idée de mémoire. Un film muet passe devant le spectateur. Film sans bande son, mais plein de gesticulations, les regards des hidalgos et des belles se prêtent à la moquerie autant qu’à la nostalgie. Avec le recul, ces scènes flirtent bon avec un temps révolu que l’on s’efforce de croire meilleur qu’aujourd’hui. Il faudra attendre encore quarante ans pour devenir nostalgique de la télé-réalité. On se souviendra avec émotion du premier Loft et de Loana avec Jean-Édouard dans la piscine.

Ce que l’on déteste aujourd’hui, où ce que l’on feint d’adorer, sera dans quelques années un genre à part entière, une tranche de vie à revisiter. Pour l’instant, c’est avec tendresse que l’on passe en revue ce bestiaire d’un autre temps où les revolvers passent de main en main, où les flics côtoient des playboys, où des playmates croisent des Don Juan d’opérette, où les hidalgos font la nique aux gigolos, où les petites pépées allument le maître nageur. Tout ce petit monde est présent, à un moment ou à un autre, dans une de ces cases qui ont quitté les planches illustrées de ce genre tombé en désuétude.

Ce qui marche dans l’exposition, pour le spectateur qui s’en donne la peine, ce sont les fils du dialogue qu’il faut réinventer. Comme dans le théâtre à l’italienne, chacun joue une partition plus qu’un personnage. Chacun incarne une situation autant qu’un caractère. Sans plus de précisions, le spectateur est amené à écrire lui-même l’histoire qui se déroule sous ses yeux. Tout est possible, tout reste à inventer. Chaque série se compose de six à sept tirages reprenant librement l’agencement d’une feuille de magazine.

Un passé recomposé se met en place. Le photographe a lui aussi joué le jeu en acceptant de revenir sur son ancienne profession. Il a repris, d’après les négatifs, les photos qui l’intéressaient. A partir des planches-contacts il a refait un montage des séries imprimées. Il a conservé la disposition originale, mais il a complètement renouvelé son approche. Un tour de passe-passe s’opère entre hier et aujourd’hui. Tout est chamboulé, mais tout reste fidèle à l’esprit de l’époque.

L’image est retravaillée pour donner une histoire qui s’écrit à l’envers, pour donner un présent à une histoire rédigée dans un rétroviseur. Tout ici est composé, les poses sont des impostures, les gestes sont des pantomimes et le kitsch devient vintage.

Antonio Caballero :
— Anel Norena y Aldo Monti, Fotonovela Capricho, 1970. Tirage aux sels d’argent.
— Rocio Romero, Susana Bennet y Jorge Rivero, Fotonovela Amiga, ca.1970. Tirage aux sels d’argent.
— Blanca Sanchez y Xavier Loya, Fotonovela Nocturno,1960. Tirage aux sels d’argent.
— Un marido vulgar, 1966. Tirage aux sels d’argent.
— Ricardo Rocca en su rancho, Revista Nocturno, ca 1963. Tirage aux sels d’argent. 50 x 50cm.
— Estudios Churubusco, Puerta set de filmacion, 1968. Tirage aux sels d’argent. 50 x 50 cm.
— Hector Suarez, Estudios Televicentro, Revista Nocturno, ca. 1960. Tirage aux sels d’argent. 50 x 50 cm.
— Diana Mariscal, Revista Nocturno, ca.1960. Tirage aux sels d’argent. 50 x 50 cm.
— Fanny Cano, Revista Nocturno, ca.1960. Tirage aux sels d’argent. 50 x 50 cm.
— Alfredo Leal, ca.1960. Tirage aux sels d’argent. 50 x 50 cm.
— Hermanitas Castillon,Salon de los Espejos, Castillo de Chapultepec, Revista Nocturno, ca.1960. Tirage aux sels d’argent. 50 x 50 cm.

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