ART | CRITIQUE

Foreign Fruits

PPaul Bernard
@12 Jan 2008

Les sculptures et dessins de Rina Banerjee relèvent d’une esthétique du métissage. Née à Calcutta, l’artiste a été élevée à Londres et vit maintenant à New York. Ses œuvres sont au carrefour d’une culture ancestrale et traditionnelle, et de la culture pop occidentale.

Dans les dessins se succèdent des corps fantomatiques et désarticulés, sorte de bons génies dont les bras, les pieds, les langues et cheveux se dilatent pour enfanter d’autres organismes non moins monstrueux. Les fruits qui en résultent se démultiplient eux-mêmes comme autant de cellules proliférantes qui saturent l’espace en forme d’ornement.
La planète Terre apparaît tour à tour dans les dessins comme la cible de cette contamination, sa source, ou le socle sur lequel s’appuient les corps. Le tout baigne dans une composition de couleurs acidulées à la profusion joyeusement chaotique et à l’effet hallucinogène.

Les sculptures accrochées sur les murs combinent en de gigantesques fleurs exotiques des éléments hétéroclites agencés de façon méticuleuse. Mais au-delà de leur qualité esthétique, de leur exubérante séduction, on ressent face à elles une sorte de malaise. Ce paradoxe sert de métaphore aux relations historiques qui se nouent entre l’Occident et le monde, entre l’Inde moderne et l’Inde traditionnelle.

Dans une salle particulière, la majestueuse pièce With Tinsel and Teeth, Gem and Germ… Get Back, Get Back to Where You Once Belonged part du plafond, se développe en lustre filiforme pour aboutir sur un mobilier incertain. S’y combinent là encore des matériaux pauvres (papiers plastiques, ampoules) et des exotica (Å“uf d’autruche, cornes, crânes d’animaux). Un agencement proche des cabinets de curiosités du XVe siècle, mêlant les merveilles de l’art avec celles de la nature.
Comme un refrain, le titre de l’œuvre résonne de l’expérience propre de Rina Banerjee : «Get back, get back…», ou l’injonction d’un nécessaire retour au sources, à sa culture de sang ici-même mobilisée, pour résister à l’assimilation de l’omniprésente culture occidentale.

Les associations métaphoriques, et les références aux cultures déterritorialisées, monstrueuses, confèrent à ces œuvres une dimension politique. Au-delà des clichés et les partis pris (tout se joue dans le détail et la subtilité), ces fruits étrangers posent la question d’une impossible mais nécessaire identité.

Rina Banerjee
— In Dream with Grin She Kissed and Licked His Alligator Wings, Peeled His Toes of all Its Nails and Waled at The Site of Killing, 2006. Technique mixte. 120 x 120 x 80 cm.
— Feathery Fountain Horn and Fury Finger Nail, 2006. Technique mixte. 188 x 87 x 40 cm.
— If Lotion and Potion Could Heal – For Certain Her Oils, Her Diamonds, Her Gold and Spices Will Prepare Us all to Peel Away all Resistance to One Place and One Face, 2006. Technique mixte sur papier. 109,5 x 139,2 cm.
— She Bleu Hand and Harder to Rid of all History and Escape Her Fleshy Entrails but Tempted by a Blessful World She Stayed to Notice a True Love Mistaken, 2006. Technique mixte sur papier. 88 x 69 cm.
— Tightly Footed upon This Earth and Owning only Limbs of Fruit and Leaf too He Fought to Clear His Throat of all Other Beings That Float and Fly and Move About Like You, 2006. Technique mixte. 139,5 x 109,5 cm.
— When Rain Approached The Bottoms all Other Things Rose with Yellow Freckled Flowers, 2006. Technique mixte. 139,5 x 109,5 cm.

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