ART | CRITIQUE

Figures relatives

PAurélie Romanacce
@25 Fév 2008

Nicolas Chardon expose à la galerie Jean Brolly des tableaux aux formes géométriques noires sur fond blanc, peintes sur des tissus à carreaux, ainsi que des sculptures composées de grandes plaques blanches. Par les jeux du hasard et de la citation, il interroge avec humour l’histoire de l’art tout en faisant hommage au support...

De grands tableaux composés de carrés noirs sur fond blanc, intitulés Cible noire, scandent l’espace de la galerie. La première impression en pénétrant dans la galerie est troublante. On a le sentiment d’assister à une exposition d’œuvres d’art abstrait inspirée de Malévitch ou de Mondrian.

Mais les carrés peints n’ont pas la rigueur géométrique attendue. Ils sont légèrement distordus et semblent flotter sur la toile. En s’approchant, on s’aperçoit que le blanc de la toile laisse transparaître la trame d’un tissu quadrillé. Puis le regard quitte sa position frontale pour se porter sur la tranche du tableau et ainsi découvrir le dispositif de l’œuvre. Nicolas Chardon a tendu et agrafé sur le châssis un tissu vichy ou madras qui se distend sous la tension et lui fait perdre son orthogonalité.

Les Cibles noires de Nicolas Chardon ressemblent ainsi à des «tableaux- pièges» qui ne sont pas ce qu’ils paraissent. L’artiste reproduit et agrandit le motif bosselé du tissu qu’il peint en noir et blanc. Les formes géométriques (cible, carré ou damier) ne sont donc pas le résultat d’une action délibérée de l’artiste mais une reproduction aléatoire du quadrillage distendu du support. Par ailleurs, le fond blanc qui recouvre chacune des toiles résonne différemment en fonction de la couleur et de la trame du tissu. La sérialité des formes géométriques noires sur fond blanc rappelle les illusions optiques de l’Op Art.

Le Troisième carré (100 x 200 cm) est un triptyque composé d’un carré noir sur le panneau central et des deux moitiés d’un autre carré sur les panneaux latéraux. Le troisième carré mentionné dans le titre est en fait le triptyque lui-même quand les panneaux sont refermés. Le châssis, une fois exposé, dévoile un panneau carré sur lequel est agrafé le reste du tissu vichy qui a servi de toile.
Nicolas Chardon joue ainsi avec humour des codes de l’abstraction et incite le spectateur à observer, avec distanciation, ce qui dans le support de ses toiles, devient le moteur de ses œuvres.

Il en est de même pour ses sculptures, Relief et Stabile, qui sont composées de deux éléments en contre-plaqué standard peints en blanc, fracturés en deux.
Accrochées aux murs de la galerie ou posées sur le sol, seules les anfractuosités dentelées et irrégulières du bois empêchent de les confondre avec la neutralité des murs de la galerie. Ces brunes échancrures dévoilent les fines couches stratifiées du contre-plaqué qui d’ordinaire ne sont pas visibles.

A travers ces «Figures relatives», Nicolas Chardon introduit une perception mouvante des œuvres de l’histoire et fait du spectateur un complice amusé, qui se prend au jeu de la multiplicité des formes produites par le truchement du hasard.

Publications
— Wladimir Bergez, Paintings from the future- Nicolas Chardon in Konrtium. Ed. Rhinocéros, Konsortium, 2005.

— Nicolas Chardon, La Pratique. Centre d’art d’Hénin-Beaumont/Galerie Jean Brolly, 2008.

Nicolas Chardon
— Grande cible, 2007. Acrylique sur tissu (madras rouge). 200 x 200 cm
— Carré noir, 2006. Acrylique sur tissu (madras bleu). 200 x 200 cm
— Damier aluminium, 2008. Acrylique sur tissu (vichy noir). 90 x 90 cm
— Le troisième carré, 2008. Acrylique sur tissu (vichy beige). 100 x 200 cm
— Cible noire, 2008. Acrylique sur tissu (vichy bleu ciel). 30 x 30 cm
— Stabile, 2008. Bois peint. 153 x 157 x 159 cm

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