ART

Figure/Paysage/Marine

PLaurent Perbos
@01 Nov 2008

Dans deux installations et une série d’autoportraits sérigraphiés, Glenn Ligon nous fait esthétiquement éprouver, avec une grande subtilité, la différence et l’exclusion, dans les corps comme dans la société…

La première salle de la galerie est partagée en deux par une cloison percée d’une large fenêtre au centre de laquelle est accrochée l’œuvre de Glenn Ligon faite de lettres en néon blanc. Elle semble suspendue en l’air, sans attache.
La phrase écrite à l’envers est au premier abord difficile à lire. Puis «Everyhing Must Go» se détache dans la pénombre. Faute de pouvoir pénétrer dans la salle située de l’autre côté de la vitre, il est impossible de lire le texte à l’endroit.

Que signifie ces mots évoquant un slogan propre à la société de consommation? Pourquoi l’exposer de façon à rendre le sens de lecture plus complexe?
L’artiste contraint nos déplacements et nous met face à l’inaccessible. Nous pouvons regarder, mais non pas accéder physiquement à la totalité de l’œuvre. Notre frustration fait écho à celle des personnes qui ne peuvent pas accéder aux biens dont la publicité vante les mérites.
   
Dans l’autre installation, le slogan «Tout doit disparaître» est composé de pavés parisiens qui recouvrent une partie du sol. Ces pavés rappellent ceux de la révolte étudiante de Mai 68, certains ont été enlevés et disposés dans un coin de la pièce de façon à inscrire sous nos pieds le titre de l’œuvre Tout doit disparaître.
Ce titre, qui évoque les panneaux apposés sur les magasins en cessation d’activité, est ici présenté sous une forme qui évoque un célèbre mouvement de contestation visant à faire disparaître la société marchande et bourgeoise…
Les lettres qui apparaissent dans le creux des pavés retirés, comme le fruit de la lutte, ne sont, là encore, pas directement accessibles.
   
Artiste afro-américain homosexuel, Glenn Ligon est sensible au thème de la ségrégation : l’incompréhension, la peur, et le refus des différences. Sa façon d’agencer l’espace, et d’entraver tout dialogue simple avec les œuvres, nous met dans la situation de l’intrus pour qui tout est plus ardu, dans la peau du pauvre ou de l’étranger qui dérangent par leur culture, couleur de peau, sexualité ou origine.
Cette réalité quotidienne de l’exclusion, Glenn Ligon la met encore en œuvre dans sa série d’autoportraits. Son visage sérigraphié en noir sur des fonds de différentes couleurs se disloque et s’estompe au fil des tirages, la répétition finit par rendre banal le visage de l’artiste et de le dissoudre dans l’espace collectif.
A l’échelle de la société, l’exception, la rareté, ce qui interpelle et dérange, pourraient-ils devenir commun et sombrer dans le stéréotype? Il semble que Glenn Ligon fasse à ce propos le constat d’un échec.

Glenn Ligon
— Untitled (Everything Must Go), 2008. Néon blanc sur fenêtre. 185 x 244 cm .
— Untitled (Tout doit disparaître), 2008. Pavés. Dimension variable selon l’espace.
— Figure, 2008. Série de 50 portraits sérigraphiés sur papier coloré. 22,9 x 15,2 cm.

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