ART | EXPO

Figure IV

05 Avr - 30 Mai 2012
Vernissage le 05 Avr 2012

Les œuvres de Laura Lamiel évoquent inlassablement l'intériorité, tentent de décloisonner les espaces et de confondre l'espace de l'atelier avec l’espace mental; le lieu d'exposition n'étant que transitoire, voire transitionnel. Le véritable espace dans lequel ce travail existe est finalement celui de l'œil et du cerveau.

Laura Lamiel
Figure IV

L’œuvre de Laura Lamiel est apparue au début des années 1980 et n’a depuis cessé de s’amplifier et de se complexifier. Les principaux outils visuels qui fondent ce travail sont: le module blanc qu’elle nomme «brique» et l’acier. Hier, l’on regardait ce travail en rapport avec des Å“uvres aux reflets surhumains, tant il participe d’une constante mise en ordre du chaos et d’une recherche de l’Absolu. Aujourd’hui, poursuivant ses engagements de la première heure en faveur d’une mise en tension de l’Å“uvre, ce travail s’inscrit dans la problématique d’un décloisonnement des espaces, où comment les processus d’atelier sont repensés dans l’exposition.

Considérant l’effet réfléchissant que me font les installations de Laura Lamiel, une Å“uvre de Jeff Wall m’est revenue à l’esprit. After Invisible Man by Ralph Ellison représente un homme de dos, dans un sous-sol, entouré d’une multitude d’objets quotidiens, de vêtements et d’ampoules. La lumière, présente à l’image mais également physiquement (le tirage est rétro-éclairé, selon le procédé habituel de Jeff Wall) est à la fois intérieure et extérieure à l’Å“uvre, elle se propage et contamine son environnement. Le nom de l’auteur d’Invisible Man, aux sonorités voisines de celui de l’inventeur de l’électricité, ne semble mentionné que pour redoubler l’intensité de la lumière, réelle et conceptuelle, de la photographie. C’est aussi une Å“uvre saturée de lumière que propose Laura Lamiel. Des installations blanc sur blanc sont photographiées et reportées sur de l’acier. La lumière intense voyage par le nerf optique aux confins de la pensée, là où résident les dédoublements et les accidents du langage.

La mise en abyme (d’une Å“uvre dans une autre, d’une sculpture recomposée dans une image sérigraphiée dans l’émail), n’est pas chez Laura Lamiel une pratique purement conceptuelle. Cette chaise émaillée présente physiquement dans une installation et sérigraphiée sur acier non loin de là nous fait évidemment penser aux stratégies de Kosuth, pourtant il ne s’agit guère de cela. Le jeu conceptuel, empruntant aux figures de style et à la sémiologie, est contaminé par la présence d’objets étrangers, comme des lapsus introduits dans un langage hautement civilisé. Loin des pratiques d’artistes contemporains qui se plaisent à singer la «pureté» du minimalisme et de l’art conceptuel, les Å“uvres de Laura Lamiel relèvent de la part trouble, intérieure, de ce qui est aujourd’hui devenu un «style».

On y trouve un écho à ce que Louise Bourgeois exprimait dans un rapport intense au corps, aux entrailles et aux organes sexuels. Si la Fillette de Bourgeois pervertit la Princesse X de Brancusi pour rendre ce symbole de pouvoir lisse et brillant à son statut d’ «objet partiel» organique et un peu penaud, Laura Lamiel fait de sa brique, un élément de construction autant que de déconstruction d’un minimalisme se voulant pur et masculin. Associée à un cactus qui grandit dans du coton ou à un mystérieux objet noir aux contours arrondis, la brique d’émail, sa régularité et sa pureté, dévoile les limites d’une interprétation univoque du minimalisme.
Les projections mentales ne sont jamais qu’un décor qui déguise notre nature. La civilisation (concept en vogue dans les discours politiques à l’heure où j’écris), aussi rationnelle qu’on veuille la présenter (le fameux «héritage des Lumières»), ne peut masquer la réalité, plus composite, moins lumineuse, avec laquelle il faut sans cesse négocier.

critique

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