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Fighting Metaphysics

PMarguerite Pilven
@12 Jan 2008

L’artiste allemand Hans Hemmert, avant tout connu pour ses sculptures en latex jaune vif gonflées d’air, présente une série de dessins et de vidéos. Il poursuit sous une autre forme son expérience plastique et ludique de perturbation de l’espace.

On retrouve le placenta jaune des sculptures en latex dans une série de dessins hybrides confrontant un objet réalisé par traitement informatique à une figure dessinée au crayon. Ce mélange de techniques traditionnelle et technologique marque une distinction entre réalités physique et virtuelle.

On pourrait attribuer à ces objets une dimension fantasmatique, tant ils revêtent de connotations liées au pouvoir, au sexe : voitures de sports, bottes ou chaussures à talons, baskets high-tech et sacs à main, autant d’accessoires destinés à aguicher les regards, augmenter sa puissance de séduction. Ces objets de désir impriment en leur forme même les projections de leurs propriétaires. Leur polymorphie semble suivre les désordres de leurs pulsions libidinales. Le traitement par ordinateur souligne le côté flambeur, design et branché de ces accessoires.

Une autre série de dessins prend pour décor la cathédrale romane de Speyer, haut lieu de la culture catholique allemande, également lieu de sépulture de ses souverains pendant plus de trois cents ans. Cet édifice religieux, porteur de l’idée de pérennité et d’ancrage dans l’histoire et les traditions, sert ici de cadre à une intrigue où apparaissent pêle-mêle des personnages aussi célèbres et populaires que Karl Lagerfeld ou Jimmy Hendrix, et aussi connotés esthétiquement que des mannequins s’engouffrant dans d’élégantes berlines noires. Hemmert confronte ainsi à ce lieu saturé de mémoire et de gravité les figures glamour de la mode et du rock, symboles d’un monde sensuel et léger.

La réappropriation de la cathédrale est également promise à d’autres devenirs. L’artiste a en effet l’intention d’en proposer prochainement une reconstitution uniquement composée de ballons qui, au fil du temps, transformera ce monument en un petit tas de ballons froissés…

Hans Hemmert confesse avoir «abandonné les matériaux denses pour ne pas se transformer en créateur d’objets permanents». Ce refus de la réification travaille nombre de ses propositions plastiques, à commencer par ses sculptures en latex qui, en raison de leurs propriétés plastiques (volumes remplis d’air), soulignent leur destinée éphémère. Lorsque l’artiste s’y engouffre, réalisant de l’intérieur des actions banales comme grimper sur une mobylette ou serrer une femme dans ses bras, la pesanteur, le poids des objets n’en sont que plus sensibles et leur réalité physique effective apparaît de manière négative, comme une menace pour la survie de l’œuvre.

Est-ce à cette délocalisation systématique des objets que fait allusion le titre « Fighting Metaphysics » ? Cette greffe de figures choisies pour leur caractère éloquent dans des environnements totalement inadéquats crée des ruptures spatio-temporelles vertigineuses et contrarie toute tentative de mise en ordre du monde sensible.
Par ces collages hétérogènes, Hemmert convoque une esthétique de contrastes simultanés qui souligne la relativité de chacun des éléments de l’image et bouleverse toute forme de hiérarchisation ou d’échelle de valeurs.

Hans Hemmert
— Sans titre, 2003. 8 gouaches sur papier. 32,9 x 48,3 cm.
— Sans titre, 2005. 11 dessins sur papier avec encre. 42 x 29,7 cm.
— Sans titre, 2004-2005. 2 vidéos.
— Sans titre, 2005. Vidéo projetée sur une maquette d’architecture en papier. 2’.

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