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Festival TJCC 2010

PCéline Piettre
@26 Mai 2010

Sur la bande annonce du festival tjjcc, une boite noire improvisée en véhicule tout-terrain — celle du collectif Irmar — roule tant bien que mal vers le théâtre de Gennevilliers. Une entrée en matière insolite, représentative de cette (très) bonne édition 2010, aussi fraîche que jubilatoire.

Vers un théâtre décomplexé
Si les «très jeunes créateurs contemporains » invités par Laurent Goumarre pour la troisième saison du festival TJCC ont quelque chose en commun, c’est bien une même ironie critique vis-à-vis de leur pratique respective: le théâtre ou plus généralement les arts de la scène. Une démarche qui n’est en rien nihiliste, purement conceptuelle ou réactionnaire — comme dans la tradition performative des années 1960 et 1970, par exemple — mais joyeuse, délurée, furieusement créatrice.

De l’abstraction plastique et sonore de Das plateau aux élucubrations conviviales (autour d’un verre de vin) des Chiens de Navarre — déjà programmés en mars au festival Etrange Cargo de la Ménagerie de verre —, la forme et l’essence du théâtre se dilatent, selon des modulations nouvelles. Et si on singe la dramaturgie et le jeu des acteurs, se moque des conventions théâtrales et des frontières disciplinaires, se contente de presque rien, d’une anecdote ou d’une rencontre pour faire œuvre, on ne sacrifie pas forcément le spectacle sur l’autel de l’anticonformisme théorique, au nom d’une soit disant tabula rasa rigoriste. Au contraire, les codes dont on s’amuse — et cet amusement même — deviennent la substance narrative d’un nouveau type d’objets scéniques.

Kitsch, farces et volupté
D’obédience baroque, l’humour potache de la compagnie du Zerep − omniprésente dans l’édition 2010 − caricature les excès de représentativité du spectacle à l’italienne, des poses outrancières de la Commedia dell’ arte à la grivoiserie du Vaudeville, du décorum fastueux à la mirobolance des costumes. Coiffée d’une parodie de masque de théâtre à l’appendice protubérant, la boite qui leur sert de scène, et qui rappelle au passage la lucarne télévisuelle, accueille un décorum saturé de dorures et d’objets kitchissimes. Crocodile en plastique, coq empaillé, rochers en carton pâte. C’est l’antre de l’apparence, du faux, du grotesque, le paradis du Zerep ! Avec eux, La Grande Halle du Théâtre de Gennevilliers, aussi haute que hautaine, s’expose à la surchauffe. Le public, conquis d’avance, se délecte des facéties du noyau dur de la compagnie: Sophie Lenoir, Françoise Klein, Stéphane Roger et Gilles Gaston-Dreyfus.

Pendant les trois jours que durent le festival, ces nouveaux chantres de l’improvisation comique passent en revue tous les poncifs de la chanson, du théâtre et de la danse. Leur pièce, El coup du cric andalou, dont ils présentent ici un extrait (et qui sera l’un des moments forts du festival), consiste en une série de positions grotesques, jeu de combinaisons spontanées, aussi loufoques que triviales. Mais au delà de l’hilarité contagieuse qu’ils provoquent, ces tableaux vivants figent le temps du spectacle en une galerie de portraits excentriques, où l’expressivité débridée manifeste le pouvoir érotique du divertissement, celui qui fait respectivement des acteurs et du public des exhibitionnistes et des voyeurs en puissance.

Du caractère relatif de la présence des choses
En contrepoint à l’exubérance anarchique du Zerep, les jeunes membres d’Irmar – Institut de Recherche Menant à Rien −, issus de l’Ecole régionale d’acteurs de Cannes et du projet d’improvisation sonore Neutr, plongent le plateau dans l’obscurité. Seuls les rouages d’un ballet invisible, grincements mécaniques et bruits de pas, habitent la scène. Invasive, allant jusqu’à coloniser les coulisses et la salle de spectacle, nourrie d’incessants va-et-vient, cette dramaturgie sonore expire sous le coup du retour brutal de la lumière. Sa genèse achevée, le règne des objets peut enfin s’épanouir.

Car chez Irmar, l’inanimé est maître de cérémonie. Les choses, dont la présence relative est ici questionnée, structurent le récit et l’espace, s’organisent en une géométrie élémentaire rappelant les lignes de l’art minimal. L’association entre un pneu et une table prend la dimension d’une sculpture ou d’une installation ; le son, dans sa logique expérimentale, se charge d’une plasticité nouvelle ; la cohabitation entre une radio, un radiateur, un ventilateur et une serviette de plage métamorphose la scène en un paysage maritime. Là, au coeur de ce dispositif singulier, un sac en plastique flottant dans l’air comme un cerf-volant nous évoque les objets dansants de Christian Rizzo…

A croire que le rien, le vide, exploré inlassablement par le groupe Irmar, conduit bien à « quelque chose », à une réflexion sur l’illusion du spectacle ou plus certainement encore, à une poésie des plus envoutantes.

Jeudi 20 mai
― 19h30: J-C Meurisse/Chiens de Navarre, L’Epopée des dates (troisième épisode)
― 20h45: Thomas Clerc, Lecture performée
PAUSE
― 22h15: IRMAR, Du caractère relatif de la présence des choses
― 23h00: Cie du Zerep / Beaubourg-la-Reine (Xavier Boussiron et Sophie Perez), Stéphane Roger chante tout avec la voix d’Aznavour
― 23h30: Cie du Zerep / Beaubourg-la-Reine, Faire mettre (acte 2)

Vendredi 21 mai

― 19h30: Cie du Zerep / Beaubourg-la-Reine, Les Danses des poupées de belle-mère + Récital
― 20h30: IRMAR, Du caractère relatif de la présence des choses
PAUSE
― 21h45: DAS PLATEAU, Dia de mucho, vispera de nada
― 22h30: Cie du Zerep / Beaubourg-la-Reine, Écarte le gardine, tu verras le proscénium

Samedi 22 mai
― 18h00: Cie du Zerep / Beaubourg-la-Reine, Passion parpaing
― 19h00: DAS PLATEAU, Dia de mucho, vispera de nada
PAUSE
― 21h00: J-C Meurisse / Chiens de Navarre, L’Epopée des dates (troisième épisode)
― 22h30: I APOLOGIZE Band / Jean Luc Verna, Concert
― 23h30: Concert de rock entrée libre

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