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Festival d’Avignon. Swamp Club

PMarie Juliette Verga
@31 Août 2013

Le Vivarium Studio fête ses dix ans d'existence et d'expériences au Festival d'Avignon. Philippe Quesne feint de mettre en scène des artistes au travail et en résistance dans son théâtre-laboratoire où tout fait symbole. Swamp Club est une fable désenchantée, au décor foisonnant, bâtie sur un art consommé du presque rien. Au risque du vide?

Philippe Quesne vient des arts plastiques et n’hésite pas à dire que sa première pièce —La Démangeaison des ailes (2003)— est née du désir de mettre du désordre sur le plateau en réponse à l’austérité, voire même à la pauvreté, des scénographies. Des arts plastiques, il a appris qu’avec du carton et du polystyrène, du plexiglas et des objets de récupération, il était possible de remplir un espace. Que dire du théâtre de Philippe Quesne? Il s’agit d’un théâtre-microscope: un dispositif scénique à l’intérieur duquel sont lâchés les comédiens. Non pas un théâtre de texte mais de situation, un observatoire des humains, mais de loin.

Dans Swamp Club, le dispositif est en forme de lieu de résidence, peut-être une réserve d’artistes. Une boîte de verre de quelques mètres-carrés matérialise le lieu de création: salle de répétition, médiathèque, sauna. Dans le club, se trouve aussi un marécage (swamp) peuplé de plantes en plastique et d’animaux empaillés. Il y a enfin une mine qui abrite des tas de studios de danse, d’enregistrement, de vidéo. Tout semble possible avec presque rien.

Une atmosphère étrange s’échappe de l’espace. De la vapeur envahit régulièrement la scène, rien n’est très clair. Est-ce un espace utopique où des artistes pourraient travailler en liberté? Un lieu de résistance artistique qui s’appuie sur une taupe géante capable de pressentir le danger, et sur des pépites d’or qui assurent l’indépendance financière?
Le Vivarium Studio n’utilise pas le théâtre pour s’emparer de l’extérieur, dire un frottement au monde ou une passion des mots. Il se place du côté des artistes, regarde le dehors par leurs yeux. Du dehors ne semble émaner qu’une menace imprécise, un danger innommé qui ne permet pas de rester allonger sur des serviettes de bain ni de prendre ces «trois mois de réflexion» dont parle l’une des résidentes.

Il n’y a presque rien ici. Et surtout rien qui ne s’adresse à la salle. Le public est convoqué pour observer une installation grandeur nature, aux relents fantastiques, dans laquelle s’ébattent ces étranges bêtes, les artistes, absolument coupés du reste de la société.
Sont-ils bannis? L’installation de Philippe Quesne souligne avec ironie la place occupée par les artistes autant qu’elle leur est assignée. La réception de la pièce dépend de la posture du spectateur: se sent-il partie prenante? Si le désir le mène dans cette niche écologique —chère à Henri Laborit— il sera impliqué et solidaire, touché par l’ironie, la drôlerie, la tendresse. S’il se sent exclu, il sera au mieux emporté par l’esthétique fin de siècle, la passion de l’artifice; au pire, il se sentira hors-jeu, entre indifférence et agacement dans un effet de réalisme bluffant.

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