DANSE | SPECTACLE

Les Grands

05 Fév - 06 Fév 2019

Jouant avec la magie de la représentation, Les Grands, de la chorégraphe Fanny de Chaillé et de l'écrivain Pierre Alferi, convoque la simultanéité. Celle de trois âges : adulte, adolescent, enfant. Créant ainsi une pièce où trois êtres démultipliés élaborent un dialogue d'humour et d'altérité.

Les Grands (2017), de la chorégraphe Fanny de Chaillé (Association Display) et de l’écrivain Pierre Alferi, est une pièce entre les catégories. Entre les genres (théâtre, danse) et entre les âges (enfance, adolescence, âge adulte). Sur un même plateau, Les Grands réunit ainsi trois générations ; un triple trio pour essayer de comprendre ce qu’est être adulte aujourd’hui. Magie du spectacle, la pièce contracte le temps et augmente les adultes de leur existences antérieures. Pièce ludique, le public est d’emblée inclus dans ce périple initiatico-rétrospectif, lorsque les acteurs adultes s’adressent directement à lui. Pour essayer de comprendre les articulations de la vie, de leur vie. Sur scène, les Grands — Margot Alexandre, Guillaume Bailliart, Grégoire Monsaingeon — sont ainsi accompagnés de leurs anciennes formes : trois adolescents (les Ados) et trois enfants (les Minis). Pour une pièce jouant la carte de la simultanéité, entre brouillage de pistes et décryptage des choix effectués.

Les Grands de Fanny de Chaillé et Pierre Alferi : être enfant, adolescent, adulte

À la base, l’enfant ne parle — étymologiquement, infans désigne l’être qui n’a pas encore acquis le langage. L’enfant ne parle pas, mais il pense, dans sa bulle. Moins isolé et plus grégaire, l’adolescent, ensuite, se présente dans un corps qui déborde et empiète. Avec une logique de groupe où les souvenirs se confondent et s’emmêlent. Puis vient l’adulte. Qui ne pense plus, mais parle. L’adulte responsable, qui parle parce qu’il sait. Basée sur cette structure initiale, la pièce Les Grands s’est pourtant largement décadrée en cours de route. Jeu sur les ressemblances, chacun des trois adultes est accompagné de son avatar enfant et adolescent. Que se disent-ils ? Comment ces trois moments de la vie peuvent-ils communiquer ensemble, chacun à l’aune de son registre de langage, de son échelle corporelle ? Sur une scène en forme de dénivelé topographique (créé par Nadia Lauro) s’entame ainsi l’improbable dialogue.

Entre danse et théâtre : les différents langages verbaux et corporels, au fil de la vie

Si la communication verbale est au cœur des Grands, le langage corporel n’y est pas moins crucial. Peut-être faut-il évoquer ici le fait que Pierre Alferi soit l’un des fils du philosophe Jacques Derrida. Pièce à multiples niveaux de lecture, à l’instar du dispositif scénique, Les Grands peut également faire écho à l’interprétation du conte Les Trois petits cochons par Bruno Bettelheim. Où les cochons sont en réalité une seule et même personne, à trois âges différents. Mais pièce ludique, Les Grands réserve aussi la part belle à l’humour, avec la possibilité d’une autodérision simple et sans méchanceté. Tandis que les avatars s’autonomisent, lorsque, par exemple, l’enfant perché sur une marche se retrouve soudain à la même hauteur que son corps d’adulte. Jouant aussi de la ritournelle, c’est une chanson de Dominique A qui enveloppe la pièce de bout en bout. Le tout livrant ainsi une joyeuse redéfinition des âges, aujourd’hui.

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