PHOTO | CRITIQUE

Fanny Bouyagui. #P#

PMagali Lesauvage
@01 Fév 2008

L’artiste roubaisienne Fanny Bouyagui propose une réflexion sur les différentes formes de nomadisme dans des photographies où elle se met en scène de manière sérielle avec des DJs voyageurs ou des immigrés bloqués à la frontière.  

Le travail de Fanny Bouyagui, originaire de la dynamique ville de Roubaix où elle a fondé et dirige le collectif «Art Point M» et le festival de musique électronique Name, illustre l’ambivalence de cette région Nord où éclot depuis une quinzaine d’années une scène artistique foisonnante, mais où la réalité sociale reste encore difficile.

A l’origine de la double série #P#, une photographie intime prise par Fanny Bouyagui : on la voit enlaçant son compagnon, dans un gros plan qui coupe les visages et met en valeur l’un de ses nombreux tatouages, ici celui de l’avant-bras où est écrit le mot «Peace».
A partir de ce double portrait sur le vif, illustrant un moment d’intimité, l’artiste a décliné une première série de portraits de DJs internationaux, où elle reprend la même pose et leur sert le cou, mettant en avant le tatouage Peace.

On retrouve les noms célèbres de cette jet-set nomade (Jamie Jones, Radio Slave, Ellen Allien, Andrew Weatherall, etc.) que l’artiste connaît bien pour faire partie elle-même de la scène électro en tant que VJ.
Toujours en arrière-plan se reconnaît furtivement une partie du visage de Fanny Bouyagui: chaque œuvre est ainsi un autoportrait, où naïvement le mot «Peace» rappelle le côté bon enfant et festif de ce milieu jeune et argenté.
Les photos sont reproduites sur diasec, technique coûteuse dont les reflets rappellent l’esthétique du papier glacé des magazines tendance dans lesquels apparaissent ces artistes.

A l’opposé de ce nomadisme libre, presque frénétique, et très rémunérateur, Fanny Bouyagui évoque dans le second volet de la série #P# une autre forme de nomadisme, celle-ci contrainte, entravée, synonyme à la fois d’exil et d’enfermement.
Fanny Bouyagui est allée photographier les immigrés de Calais qui hantent les rues de la ville portuaire pour trouver un passage vers l’Angleterre. Elle a utilisé le même procédé, entourant de son bras tatoué les épaules de ces hommes qui n’ont pas voulu donner leur nom.

A rebours d’une tendresse socialisée comme celle montrée avec les DJs, le geste ici renvoie à la répression policière, à la menace perpétuelle d’une arrestation avant le passage sous la Manche. Les photographies sont reproduites sur du simple papier d’affiches, et collées à la manière d’un affichage sauvage dans une salle entière de la galerie.

La vidéo 13 (2008) explicite les conditions terribles de ces immigrés d’origine kurde ou afghane, obligés de se brûler le bout des doigts pour éliminer toute empreinte digitale, engouffrés dans des camions lors du trajet sous la Manche, errant dans les rues de la ville, sans abri, sans passé ni destin. A la suite de la futilité apparaît une autre réalité, terrible, constitutive elle aussi du monde contemporain. 

Fanny Bouyagui
— #P# Damian Lazarus. 80 x 120 cm
— #P# Jamie Jones. 80 x 120 cm
— #P# Ellen Allien. 80 x 120 cm
— #P# Modeselektor. 80 x 120 cm
— #P# Andrew Weatherall. 80 x 120 cm
— #P# Radio Slav. 80 x 120 cm
— #P# Ivan Smagghe. 80 x 120 cm
— #P# Jennifer Cardini. 80 x 120 cm
— #P# Matt John. 80 x 120 cm
— #P# Agoria. 80 x 120 cm
— #P# Sans Nom n°1. 80 x 120 cm
— #P# Sans Nom n°2. 80 x 120 cm
— #P# Sans Nom n°3. 80 x 120 cm
— #P# Sans Nom n°4. 80 x 120 cm
— #P# Sans Nom n°5. 80 x 120 cm
— #P# Sans Nom n°6. 80 x 120 cm
— #P# Sans Nom n°7. 80 x 120 cm
— #P# Sans Nom n°8. 80 x 120 cm
— #P# Sans Nom n°9. 80 x 120 cm
— #P# Sans Nom n°10. 80 x 120 cm
— #P# Sans Nom n°11. 80 x 120 cm
— #P# Sans Nom n°12. 80 x 120 cm
— #P# Sans Nom n°13. 80 x 120 cm
— #P# Sans Nom n°14. 80 x 120 cm
— #P# Sans Nom n°15. 80 x 120 cm
— #P# Sans Nom n°16. 80 x 120 cm
— #P# Sans Nom n°17. 80 x 120 cm
— #P# Sans Nom n°18. 80 x 120 cm
— #P# Sans Nom n°19. 80 x 120 cm
— #P# Sans Nom n°20. 80 x 120 cm 

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