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Fang Linjun

PMarguerite Pilven
@12 Jan 2008

Né dans les années 60, Fang Linjun est l’un des artistes les plus représentatifs de la scène artistique chinoise d’aujourd’hui. La galerie de France expose ses gravures sur bois aux formats monumentaux, des images puissantes où se lisent les tensions d’une société en pleine mutation sociale et culturelle.

La figure humaine, centrale dans toutes les compositions paraît sans cesse soumise à des puissances extérieures contraignantes. Grimaçants, jamais apaisés, on ne sait si ces visages crient de douleur ou d’indignation. Leur stylisation, vigoureuse et synthétique ne fait jamais ressortir la singularité de leurs traits mais en exacerbe efficacement l’expressivité.

Une immense gravure marouflée sur papier représente un visage solitaire émergeant d’une mer houleuse. On ne sait s’il surnage ou s’il se noie dans cet océan qu’aucune ligne d’horizon ne limite. Les couleurs employés pour le traitement du visage, similaires à celles du fond renforcent cette impression.
La tension particulière des œuvres de Linjun procède très souvent de cette relation de la figure au fond, du rapport de l’un au multiple. Les visages semblent parfois se dissoudre dans le fond au risque d’en perdre leur contour, comme autant d’individualités noyées dans la foule.

Difficile de ne pas voir en ces œuvres une résonance à la fois politique et métaphysique.
Les compositions houleuses et mouvementées de Linjun traduisent l’affrontement de l’individu au sein d’une réalité nouvelle : celle de la Chine s’ouvrant au libéralisme, engendrant la transformation progressive d’une structure sociale extrêmement rigide qui prévalait jusqu’alors. Au regard de l’économie libérale, la valeur de l’individu est éminemment centrale, mais elle n’est pas sans générer angoisse et vertige au sein d’une culture de tradition collectiviste, jetant l’individu dans de nouveaux possibles. Que privilégier alors ? Comment se situer entre ces vents contraires ?

Sans doute est-ce pour cela que nombre de jeunes artistes chinois situent aujourd’hui le portrait, la représentation, peinte ou photographiée, de visages au centre de leurs préoccupations plastiques, interrogeant ce qu’une tradition artistique millénaire, occupée à exprimer l’harmonie de la nature, a toujours occulté : la question de l’individu, la construction de son identité, son rapport à autrui et au monde.

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