ART | CRITIQUE

Faire tache

PMarie-Jeanne Caprasse
@11 Juin 2012

Comme par un procédé médiumnique, le geste de Christian Lhopital fait surgir des formes de l’informe. Entre sourires et grincements de dents, de la simple étrangeté à l’hallucination et la stupeur, son univers laisse toujours place à l’imaginaire et à la part de nos peurs qui s’y tapissent.

La nouvelle série de dessins de Christian Lhopital, Après vous, repose sur l’introduction systématique d’éclaboussures à l’acrylique et la composition au trait de figures par dessus. Si la tache a toujours fait partie du processus de travail de l’artiste, elle joue ici un rôle primordial, structurant l’ensemble de la composition.

Contrairement au foisonnement des motifs des séries cinématiques dont on peut contempler un peu plus loin quelques dessins, l’artiste se recentre sur une poignée de sujets qu’il présente à la manière de familles où toutes les générations semblent touchées par un mal mystérieux. A bien y regarder, derrière le caractère enfantin des personnages aux grandes oreilles et les couleurs tendres employées, on décèle un mal mystérieux qui affecte les figures, comme si elles se désintégraient sous l’effet d’une maladie contagieuse ou d’un rayonnement nucléaire.

C’est encore et toujours de nos peurs dont Christian Lhopital nous parle, de notre fragilité abordée sous l’angle de la dissolution des corps et des regards hallucinés. Le monde qu’il crée est flou, instable et chaotique, et les êtres qui l’habitent tremblent et frémissent. Si son langage plastique fait souvent référence aux images de l’enfance, c’est pour mieux introduire les forces de l’imaginaire et révéler l’étrangeté du quotidien.

L’intention est la même dans ses sculptures de peluches trempées dans le peinture blanche. Si leur forme rappelle le réconfort et le bien-être de l’enfance, le traitement qu’il leur fait subir les fait basculer dans le territoire de l’étrange, du répulsif, dotant leurs yeux noirs ainsi mis en évidence d’un pouvoir terrifiant dans lequel se concentrent toutes nos peurs nocturnes.

Le regard halluciné et le surgissement d’un monde fantomatique trouvent leur expression la plus simple mais aussi la plus forte dans la série Fixe face seule réalisée en 2010 et dont on peut voir ici trois exemples. Il s’agit de portraits photographiques recouverts d’une couche de peinture blanche laissant deviner la forme d’un être et dont les yeux soulignés au crayon noir sont exorbités et surgissent de l’arrière-plan cotonneux.

Entre enfouissement et réémergence des formes, l’art de Christian Lhopital ouvre la vanne du monde mystérieux des rêves et de l’inconscient. Cacher et montrer, transformer et révéler, c’est dans un langage formel très libre et doté d’outils simples comme le crayon, le graphite, la tache de couleur et le papier, que l’artiste donne vie à un monde parallèle où le malaise est toujours sous-jacent.

Å’uvres
— Christian Lhopital, Série «Strange Wedding», 2011. Poudre de graphite sur papiers assemblés. 75 x 105 cm.
— Christian Lhopital, Série «Echos», 2012. Crayons et acrylique sur papier. 150 x 114 cm.

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