ART | CRITIQUE

Fading

PLorraine Turci
@12 Jan 2008

Fading: n.m. -1924: mot anglais «action de disparaître, de s’effacer». Evanouissement momentané du son (ou de l’intensité d’un signal). «Le passé d’évanouissait (…) c’était comme le fading dans un récepteur radiophonique». (Marc Orlan)

Anne-Lise Broyer & Nicolas Comment ont tracé au stylo bille, à même les murs de la galerie Madé, les cours d’eau irriguant la Bohême, la Vltava et l’Upa. Vingt-trois photographies sont accrochées en polyptyques irréguliers sur ces murs, mêlant les images en noir & blanc de Anne-Lise Broyer avec celles, en couleur, de Nicolas Comment.

Ce dernier travail est l’aboutissement d’un projet mené lors d’une résidence d’un an à Prague, dans le cadre du programme Carte Jeune Génération de Cultures France, avec le soutien de l’Institut français de Prague.
Le départ des deux artistes pour la Tchécoslovaquie a été motivé par leur passion pour l’Europe centrale des années 30 : sa poésie, sa peinture, en particulier le mouvement du Grand Jeu qui réunissait autant de Français que de Tchèques à Prague, tels que Richard Weiner, Josef Sima ou Roger Vailland.
Une lettre de l’écrivain Roger Vailland décrivant son projet de Plan sentimental, qu’il avait eu l’intention de publier aux éditions tchèques Aventinum, a fourni le prétexte d’un parcours de Prague et de ses alentours. Anne-Lise Broyer et Nicolas Comment ont rédigé en images “un journal du regard” (Bernard Noël) de ce territoire, en rapporteurs d’une histoire rêvée 86 ans auparavant par Roger Vailland.

Fading, c’est à la fois l’exposition et un livre, conçus conjointement. Le livre, paru aux éditions Filigranes, est également présenté à la galerie Madé.
Les deux photographes sont familiers d’un travail combinant images, littérature et objet livre. Nicolas Comment a composé certains textes des livres d’Anne-Lise Broyer, tel que C’est Maquis. D’autre part, sa série L’oiseleur est une évocation photographique de l’œuvre de Jean Cocteau — son dernier travail en cours porte sur le personnage d’Aurélia de Gérard de Nerval. Anne-Lise Broyer a, quant à elle, un projet (Au Roi du bois) autour du livre de Pierre Michon Le Roi du bois (éd. Verdier, 1996).

Les images de Fading glissent vers une forme de récit. Mais les indices sont distribués de façon aléatoire et, au final, rien n’est explicite. Le dialogue est partie intégrante de la démarche : les images partent de la littérature, fréquentent le monde pour revenir au livre ; le travail de mise en page, ou d’accrochage, évoque les principes de montage au cinéma.
Chaque image instaure une fiction, elle-même réinterprétée par la confrontation d’avec le travail de l’autre : trois télescopes de Nicolas Comment répondent à un plafonnier, globe lunaire, de Anne-Lise Broyer ; une jeune femme redirige notre regard vers un passage piéton brisé…

Fading rend floue la mémoire d’un territoire, prend ses distances avec une histoire et un lieu forts pour construire une fiction ouverte, indéterminée et changeante.

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