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Fables et fragments

Tout aujourd’hui semble régi par la nécessité d’une mise en récit, d’un scénario, comme si le réel ne pouvait plus être compris qu’à travers des structures narratives simples. A cela, s’oppose le pouvoir d’affabulation, tant de l’artiste que du spectateur.

Information

Présentation
Henry-Claude Cousseau, Régis Durand
Fables et fragments

« Comme le veut la tradition, les oeuvres des diplômés félicités sont présentées chaque année au mois de juin dans le cadre d’une exposition. Cette année, c’est Régis Durand, président du jury, qui assure la fonction de commissaire de cet événement attendu et plébiscité à la fois par les
professionnels de l’art contemporain et par le public.

lntituler cette exposition Fables & Fragments, c’est la placer sous le double signe de deux questions insistantes, certes loin d’être nouvelles, mais toujours aussi vives, y compris dans l’énigme de ce qui les réunit. Evoquer la fable, ou l’(af)fabulation, c’est se pencher sur la question du narratif dans un domaine, les arts plastiques, qui n’y est pas soumis, du moins pour l’essentiel, alors même que des formes dégradées de récit semblent imposer, partout ailleurs, sous le nom d e storytelling, une sorte de dictature du scénario ou du micro-récit. Quant à parler de fragments, c’est revenir sur la question toujours ouverte de l’inachèvement, des relations entre des parties et un tout imaginaire, toujours manquant.

(Af)fabulation n’est évidemment pas à entendre ici au sens qu’on prête aujourd’hui à l’un ou l’autre des deux termes confondus dans ce mot-valise, c’est-à-dire celui d’une pure invention, fantaisiste, délirante ou mensongère. La question abordée ici n’est donc pas du tout celle de la vérité, encore moins celle de la sincérité, mais celle de cette forme particulière de récits qui se trament autour d’une oeuvre. Des récits dont
l’oeuvre elle-même est porteuse, de manière explicite ou latente, mais aussi et peut-être surtout qu’elle suscite chez le spectateur ou l’auditeur. C’est bien ainsi que l’entend Pierre Boulez, lorsqu’il écrit, dans ses Leçons de musique: ”Mais, dans un certain sens, ce qui est rassurant, c’est le
pouvoir d’affabulation de l’auditeur par rapport à la musique qui lui est donnée. Le plus souvent, à partir du nombre de fragments que sa mémoire a pu saisir, il constitue une véritable histoire formelle qui lui appartient en propre, qui devient sa propriété de l’oeuvre.” « 

Régis Durand