ÉCHOS
02 Fév 2015

Exposition «Femina», le dénouement: Zoulicka Bouabdellah retire son œuvre, le maire, l’adjoint à la culture et les commissaires s’expriment.

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Suite à la polémique suscitée par le retrait de l’œuvre Silence de l’exposition « Femina ou la réappropriation des modèles » au Pavillon Vendôme de Clichy-la-Garrenne, on assiste à une véritable passe d’armes, par communiqués interposés, entre les responsables de l’exposition, les responsables culturels et le premier édile de Clichy. En guise de dénouement, Zoulicka Bouabdellah a décidé de retirer définitivement son œuvre, la plupart des autres artistes lui emboîtant le pas, au grand regret des responsables de l’exposition qui accusent le maire d’avoir fui ses responsabilités.

A peine accrochée, «Femina et la réappropriation des modèles» a été l’objet d’une forme d’autocensure. Face aux risques d’incidents liés à la présentation de l’œuvre Silence de Zoulicka Bouabdellah dans un contexte post-attentats (voir notre précédent article), et alertés par une fédération d’associations musulmanes locales, les responsables de l’exposition ont en effet pris la décision de ne pas montrer l’installation tant que les dispositifs de sécurité renforcés n’auront pas été mis en place. Face à l’inertie du maire PS de Clichy-La-Garenne, Gilles Catoire, qui n’a pas répondu à leur demande, la situation s’est peu à peu bloquée, les autres artistes de l’exposition ayant demandé que leurs œuvres soient décrochées tant qu’aucune solution ne serait trouvée.

Face à la pression médiatique, le maire, Gilles Catoire, s’est exprimé dans un long communiqué le 29 janvier dernier en se dédouanant de toute responsabilité, mettant en avant le fait que l’autocensure relevait d’une décision «malencontreuse» des commissaires seuls, que les mesures de sécurité prises étaient suffisantes et que le scandale provoqué n’était pas à la mesure de l’événement.

Face à ce manque de soutien flagrant, l’artiste, actuellement en déplacement au Maroc, ne souhaite pas alimenter davantage la polémique, ni être mal comprise. Rappelant que son œuvre n’a pas d’intention blasphématoire et qu’elle fut montrée dans le monde entier sans aucun problème, Zoulicka Bouabdellah a annoncé sur les réseaux sociaux sa volonté de retirer définitivement l’œuvre de la programmation. Malgré la demande de cette dernière adressée aux artistes de ne pas en faire autant, la majorité des plasticiens présents dans l’exposition a demandé à récupérer leurs travaux, pour marquer son soutien à l’artiste et sa désapprobation quant à la gestion de l’affaire par la municipalité. Le décrochage et la restitution devraient avoir lieu ce lundi 02 février.

Les commissaires, Christine Ollier et Charlotte Boudon, affirment de leur côté comprendre la décision des artistes et accusent le maire de s’être défaussé de ses responsabilités politiques, malgré leurs invitations répétées à s’exprimer. Elles dénoncent également les multiples inexactitudes et contre-vérités que comporte, selon elles, le communiqué du maire. Leur position fait écho à celle de Stéphane Magnan, directeur de la galerie des Filles du calvaire, prêteur d’une bonne partie des œuvres, qui a pris la peine de relever chacune de ses erreurs factuelles et de les corriger. Ce dernier regrette le manque de réactivité et de crédibilité du maire de la ville qui s’est terré dans le silence entre le 17 et le 29 janvier, au plus fort de la polémique.

Enfin, dans la foulée, l’adjoint à la culture PC de Clichy-la-Garenne, Nicolas Monquaut, qui a toujours plaidé pour un maintien de la programmation intégrale avec accompagnement pédagogique, se désolidarise de l’attitude et de la décision du maire, et réaffirme son soutien aux organisateurs de l’exposition au Pavillon Vendôme. Regrettant que ce climat de fébrilité serve davantage l’inhibition créatrice que le dialogue républicain, le troisième élu de la ville précise que ses demandes de réunion ou d’information quant aux dispositifs de sécurité sont restées lettres mortes.

L’hystérisation du débat autour de la liberté de blasphémer et le manque d’engagement d’un responsable politique auront finalement eu raison de ce projet monté et pensé depuis des mois, une exposition dont l’objet, il faut le rappeler, n’était pas de proposer un regard critique sur les religions, mais de réfléchir à la visibilité des femmes sur la scène de la création contemporaine. Un bien mauvais signal pour l’état de la liberté d’expression aujourd’hui en France.

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