PHOTO | CRITIQUE

Exposition collective

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@02 Juil 2010

L'exposition de groupe de photographies de la galerie Alain Gutharc propose, sous la forme de l'accumulation, trois regards sur l’intimité et le souvenir, par trois artistes aux sensibilités proches: Jessica Backhaus, Laurent Goumarre, Guillaume Pilet.

Pour la fin de la saison, la galerie Alain Gutharc propose une exposition de groupe qui réunit les travaux photographiques de trois artistes autour d’un même procédé: l’accumulation. Les images s’égrènent sur les murs, construisant les univers intimes et mystérieux. La confrontation d’images diverses accrochées en grappes fonctionne comme une série de journaux intimes visuels, construits au fur et à mesure des voyages et des rencontres.

La série «What Still Remains» de Jessica Backaus, jeune photographe allemande, est ainsi née d’une rencontre imprévue: dans la rue, Jessica remarque un peigne bleu abandonné et pense à la femme qui l’aura laissé tomber et au chemin qui a amené ce peigne jusqu’à ses pieds ce jour-là, sur le trottoir.
Les photographies de cette série reproduisent des objets et des décors devenus vieux, et essaient de percer le mystère de leur histoire: sols au linoléum crevé, fenêtres obstruées, vieux miroirs…

Dans une autre série, «One Day in November», Jessica Backaus fait hommage à Gisele Freund (1908-2000), avec qui elle entretenait une relation privilégiée.
Formes, couleurs, détails de matières et effets de gouttes sur une vitre: la série se construit par petites touches, prélevées au sein de la vie même, choisies moins pour les sujets représentés sur chaque image que pour la place qu’elles viennent occuper dans l’ensemble.

Guillaume Pilet est un très jeune artiste suisse aux multiples activités: céramique, dessin, collages, photographie.
Le diaporama qu’il présente fonctionne à la manière d’une fantaisie, tout comme la chanson Black and Tan Fantasy, de Duke Ellington, dont l’œuvre tire son titre: il s’agit d’une forme libre, faite d’un enchaînement de moments aux intentions différentes.

Les photographies défilent, formant un ensemble très personnel de souvenirs récoltés. Les portraits d’amis et d’amants se mêlent aux images de paysages grandioses ou kitsch; des bougies prises en gros plan rappellent la fugacité de ces instants de liberté tandis que des lieux d’art nous ramènent au vif du sujet.
Dans la veine de la photographie réaliste et intime de Nan Goldin ou Wolfgang Tillmans, les images de Guillaume Pilet nous plongent dans la réalité de son milieu social. L’énergie est celle d’un journal intime, fait d’une accumulation de petits détails vrais.

Quant à Laurent Goumarre, les enjeux de ses photographies semblent se situer dans la question du portrait. Les hommes qu’il photographie sont jeunes, ont des corps vigoureux mais détournent systématiquement le regard et nous interdisent de voir leurs visages. Une façon détournée, pour ce photographe, d’aborder la relation qu’il entretient avec eux: à la fois intime (un homme en caleçon dans un intérieur chic) et anonyme, comme «floutée».

L’artiste semble vouloir tenir à une certaine distance le spectateur-voyeur, et ne lui permettre qu’un accès limité à sa vie privée. Outre un goût pour le chic affirmé (un ruban Prada qui traîne négligemment sur une lampe), les images de Laurent Goumarre témoignent du plaisir né de moments simples, entre hommes, et capturés par leur auteur avec une grande précision: une nuit à la belle étoile, un réveil, un pique-nique dans les bois. Les images sont nettes, lisses, très composées, et encadrent avec force ces instants où l’esprit vagabonde.

— Laurent Goumarre, Sans titre (Arthur), 2010. Photo couleur. 64 x 50,5 cm
— Laurent Goumarre, Sans titre (République), 2009. Photo couleur. 77 x 63 cm
— Laurent Goumarre, Sans titre, 2002. Photo couleur. 48 x 53 cm
— Laurent Goumarre, Yannick, 2009. Photo couleur. 50,5 x 62,5 cm
— Laurent Goumarre, Sans titre (Thomas), 2007. Photo couleur. 62 x 42 cm
— Laurent Goumarre, Sans titre (Rio), 2007. Photo couleur. 77,5 x 59 cm
— Laurent Goumarre, Sans titre (Arthur), 2007. Photographie couleur, 5 exemplaires. 79 x 59,5 cm
— Laurent Goumarre, Sans titre (Prada), 2005. Photo couleur. 80,5 x 59,5 cm
— Jessica Backhaus, Série «One Day in November», 2007. Photos couleur. 28 x 35,5 cm.
— Jessica Backhaus, Série «What Still Remains», 2008. Photos couleur. Dimensions variables.
— Guillaume Pilet, Black and Tan Fantasy, 2009. Diaporama.10 min (en boucle)

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