ART | CRITIQUE

Exhibition

PTsama do Paço
@12 Jan 2008

L’exposition Exhibition à La Générale nous interroge sur nos mythes et leurs connotations. Deux films, des photographies, des sculptures-installations soulèvent des questions propres à notre société où l’apparence prévaut sur la substance.

Exhibition est l’occasion pour Elodie Huet de proposer neuf artistes dont le travail s’inscrit dans une réflexion renvoyant à l’Histoire, à l’actualité et aux référents qui y sont liés.

Dans la vidéo intitulée Sablière de Raphaël Grisey, un groupe d’adultes avec enfants déjeune, joue et discute sur un terrain sableux entouré d’arbres. Ils déterrent avec de modestes outils de gigantesques morceaux anguleux qui semblent être en bronze.
Le sous-titrage indique le contexte : ce sont les fragments d’une immense statue de Lénine qui avait été détruite et dont les vestiges embarrassants ont été enfouis ici. Ce qui pouvait s’apparenter à un film de vacances insignifiant se charge alors de connotations historiques. Deux photographies complètent cet ensemble et nous placent face à cette grande figure de la Révolution russe qui, aujourd’hui, n’est plus qu’une image.

Quelles sont les icônes d’aujourd’hui et comment se construisent celles de demain? L’Histoire se nourrit de personnalités érigées indifféremment en symbole du bien ou du mal, l’important étant la fascination qu’elles suscitent.
Ainsi du visage immédiatement identifiable de Ben Laden qui envahit tout un mur de La Générale de son regard paisible et impressionnant. Dans cette œuvre éphémère d’Elodie Huet intitulée Dead or Alive, le visage est uniquement composé d’empreintes d’un tampon encreur daté du 11 septembre 2001.

Un graffiti photographié par Lorentino indique le nom d’une ville improbable: Garibagdad. Un jeu de mots qui mêle le nom d’un personnage et celui d’une ville pour créer un non-sens qui résonne en nous en dépit de l’absence de contenu dans un contenant impalpable.

Dans le film D-test de Philippe Meste le plan présentant un homme seul dans une petite pièce, muni de deux fouets et juché sur un socle, ressemble à celui d’une caméra de surveillance. Comme s’il était une œuvre d’art exposée, des gens tournent autour de lui en le regardant. L’homme les fouette alors violemment puis se calme, pour mieux recommencer. Les gens participent à cette mise scène sadique sans s’enfuir. La fascination prend le pas sur la logique, comme une icône dont on ne sait plus pourquoi elle est icône.

La perte de sens se concrétise dans la vidéo d’Eric Baudelaire Sugar Water où un homme colle des affiches dans le métro à Paris. L’image composée morceau par morceau est la reproduction photographique d’une rue parisienne avec ses voitures, sans logo ni slogan. Une fois sa tâche achevée, l’homme colle une autre image par-dessus la précédente. Au total quatre images seront affichées représentant une voiture qui brûle puis explose : une actualité extérieure introduite à l’intérieur, en écho à la réalité.

Que ce soit le mythe d’un événement, d’un révolutionnaire, d’un dictateur ou d’une star, avec le temps, la véracité s’efface. Les connotations évoluent et finissent par perdre leur sens.

Dans les photographies Going Vietnam de David Giancatarina des paysans travaillent dans des paysages de rizières. Un panneau publicitaire disproportionné brise l’exotisme de l’image en présentant des affiches pour des produits de consommations stéréotypés. Le contraste entre les personnes courbées en plein labeur et les produits vantés trouble notre vision, sans doute déjà erronée, de cette région d’Indochine.

TTrioreau détourne lui aussi un outil de communication publicitaire en accrochant tout près du sol un grand néon de la chaîne d’hôtels Holiday Inn. Cette œuvre permet de nombreuses interprétations que le titre élargit encore: Sarajevo Holiday Inn on fire.
Enfin les trois plongeoirs-sculptures d’Arnaud Elfort, Swimming With The Punks sont totalement décontextualisés, alignés sous le vide, à l’inverse de leur utilité première.

Faisant appel à nos référents communs, à nos connaissances faussées de la réalité historique, économique, politique ou sociale, l’exposition réinterroge nos icônes afin de mieux les fissurer.

Eric Baudelaire,
— Sugar Water, 2007. Vidéo, 72mn.

Arnaud Elfort,
— Swimming With The Punks. Sculpture.150 x 100 x 30 cm.

David Giancatarina,
— Going Vietnam, 2005. Photos.

Raphael Grisey,
— Sablière, vidéo, 9mn, deux tirages photographiques.

Elodie Huet
— Dead or Alive, 2007. Dessin sur mur.
— Genèse, 2007, badges.

Lorentino
— Garibagdad, 2006. Photo argentique.

Philippe Meste
— D-test. Vidéo.

Ttrioreau
— The Sarajevo Holiday Inn On Fire, 2006. Plexiglas thermoforme retroéclairé.
— Shoot by Chris Burden, 2007. Installation.

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