ART | EXPO COLLECTIVE

Europa, Oxalá

20 Oct - 16 Jan 2022
Vernissage le 20 Oct 2021

Europa et Oxalá sont deux déesses. L’une de la mythologie grecque, l’autre du candomblé brésilien. La première donnant son nom au continent européen, la deuxième tirant le sien d’une expression portugaise issue de l’arabe « Insh’ Allah », qui appelle un événement favorable ou un avenir meilleur. « Par l’association de ces deux mots, nous affirmons notre volonté de rassembler au sein d’une Europe commune des géographies et des cultures supposées éloignées », affirment les commissaires de l’exposition « Europa, Oxalá » qui se tient au Mucem de Marseille.

L’exposition « Europa, Oxalá » donne la parole aux artistes européens dont l’histoire familia s’enracine dans les anciennes colonies belges, françaises et portugaises. Parmi les vingt-et-un créateurs exposés, on trouve donc des descendants de ceux qui ont immigré en Europe dans les années 1960, durant la décolonisation de l’Angola ou de l’Algérie, du Bénin ou du Congo, de la Guinée Bissau ou de Madagascar. L’exposition rassemble ainsi soixante œuvres de tout genre – dessins, peintures, sculptures, films, photos, installations – qui questionnent les récits nationaux et les fantasmes coloniaux, en revisitant les archives familiales ou institutionnelles.

« Europa, Oxalá » : le corps opprimé

Touché par la violence, la précarité, la moquerie, le corps révèle l’essence de systèmes d’oppression à l’œuvre dans les colonies et dont l’impact perdure jusqu’à nos jours. L’artiste Sabrina Belouaar traite ainsi des injustices et des discriminations subies par sa famille en mettant en scène un corps bridé. Dans l’installation Dada (2018), deux poings moulés en plâtres sont fixés au mur, comme menottées par une ceinture en cuir noire. Il s’agit d’évoquer l’exploitation économique de son père algérien, qui a travaillé en France en tant qu’ouvrier d’une usine de ceintures.

L’artiste John K. Cobra, né d’un père belge et d’un père congolaise, aborde quant à lui les conséquences corporelles de la colonisation à travers l’artifice de cheveux synthétiques. Sa sculpture Sans-Titre (2020) se compose ainsi d’une pile de blocs sculptés en caoutchouc, surmonté d’une perruque de cheveux lisses. Symbole des canons de beauté occidentaux imposés aux femmes africaines, cette perruque contraste ironiquement avec l’évocation des monuments et bâtiments emblématiques construits en Belgique grâce à l’argent obtenu des cultures de caoutchouc au Congo. Deux héritages différents issus de l’époque coloniale…

« Europa, Oxalá » : fragilité du présent

L’exposition « Europa, Oxalá » explore les conséquences de l’ère coloniale sur les anciennes métropoles comme sur les anciennes colonies. Les installations de Carlos Bunga traitent ainsi de la vie urbaine au Portugal, dont il est originaire, et en Angola, où sa mère est née. Il élabore en effet des maquettes architecturales avec des matériaux humbles – du carton, du ruban adhésif ou de la peinture – qui rappellent les habitats temporaires et instables des plus modestes. Ces « anti-monuments des temps précaires » reflètent la fragilité de l’urbanisation contemporaine dans les pays les plus en difficulté.

Artiste congolais et commissaire de l’exposition, Aimé Mpane interroge quant à lui les symboles de l’Union européenne et leur origine religieuse. Les douze étoiles de son drapeau, ainsi que sa couleur bleue, rappellent en effet les représentations de la Vierge Marie. L’installation Nguna (2018-2020) comprend ainsi une peinture du drapeau de l’Union, réalisée sur un mur fendu d’une brèche qui prend la forme de la Vierge. Devant la peinture, des pneus carrés jonchent le sol, arborant l’inscription « Pacification, Démocratie, Traités et Justice ». Des principes qui ont du mal à rouler, d’après l’artiste.

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