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Etc n°95. Représailles

Quels sont les nouveaux terrains discursifs disputés dans les pratiques actuelles? Et compte tenu de la grande difficulté à maintenir un momentum critique, quels sont les derniers retranchements de l’utopie critique? Historiens et théoriciens du Québec et de l’étranger sont invités à s’exprimer sur ce sujet.

Information

Présentation
Gentiane Bélanger, Maxime Boidy, Anne-Marie Bouchard, Edith Brunette, Vicky Chainey Gagnon, David Tomas
Etc n°95. Représailles

La critique institutionnelle est vieille comme le monde (de l’art). Du moins habite-t-elle les horizons moderne et postmoderne depuis l’approche protoconceptuelle de Duchamp. Le pouvoir des institutions dans la production de valeurs, de narrations et de chronologies au service de leur position hiérarchique est aujourd’hui largement reconnu, tout comme les multiples exclusions qui sous-tendent les discours apparemment inclusifs. La critique institutionnelle émerge d’un désir d’exposer et de questionner la place prépondérante des structures institutionnelles dans la configuration du savoir. Cette mouvance critique évolue sur plusieurs générations et réagit entre autres à la récupération systémique de prédécesseurs qui, aux prises avec une dialectique apparemment sans fin, finissent trop souvent par consolider l’autorité des institutions visées en leur servant de façade autoréflexive.

La pratique interventionniste de Fred Wilson est particulièrement probante en ce sens. Depuis son projet Mining the Museum, en 1992 au Maryland Historical Society, qui consistait à remanier la collection permanente du musée pour en proposer une lecture plus politisée, une pléthore d’institutions soucieuses de dépoussiérer leur réputation et d’injecter un certain frisson dans leurs collections se sont démenées pour susciter le regard inquisiteur de l’artiste dans leurs enceintes. Malgré une mise en évidence assez crue des discriminations implicites à toute narration muséale, l’approche hautement subversive de Wilson a paradoxalement pour effet de légitimer les institutions hôtes en défrichant leur passage vers une approche autocritique. Ce fut entre autres le cas lors de l’exposition «The Museum as Muse: Artists Reflect», présentée en 1999 par le Museum of Modern Art dans l’intention de renouveler son image par une transparence accrue. Wilson y figurait parmi une myriade d’artistes reconnus pour avoir scruté le monde muséal de fond en comble, jusqu’à s’approprier les balises formelles et conceptuelles du musée à des fins stratégiques. Malgré le mordant des propositions artistiques, l’exposition faisait essentiellement état de l’aisance déconcertante avec laquelle le musée a concilié les pressions extérieures pour politiser ses contenus. L’incorporation par le musée de sa propre critique s’est faite avec une facilité telle que le tranchant du propos s’en est trouvé largement émoussé.

SOMMAIRE
— Représailles. La critique institutionnelle (Gentiane Bélanger)
— Quelle efficacité pour une critique institutionnelle hors des institutions? (Edith Brunette)
— La critique institutionnelle est un plat qui se déguste froid. Pensées pour une réception lente (Anne-Marie Bouchard)
— Dead End, Sophisticated Endgame Strategy, or a Third Way? Institutional Critique’s Academic Paradoxes and their Consequences (David Tomas)
— De la critique des institutions scolaires à la pédagogie institutionnelle (Maxime Boidy)
— From the Populist Museum to the Resarch Platform: New Art Exhibition Practices Today (Vicky Chainey Gagnon)
— D’où performons-nous? (Sylvie Tourangeau)
— Nudité banalisée: un féminisme de l’objectivation (Sara Savignac-Rousseau et Gina Cartopassi)